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dimanche 25 mars 2012

Défense et des bulles – mars 2012 : Le soldat inconnu vivant, de Jean Yves Le Naour et Mauro Lirussi

Le soldat inconnu vivant de Jean Yves Le Naour et Mauro Lirussi est l’adaptation en bande dessinée de l’ouvrage éponyme du premier cité. Il raconte l’histoire assez hallucinante mais vraie d’un rescapé de la Première Guerre Mondiale, amnésique, qui pendant vingt-quatre ans va voir des familles de la France entière se déchirer pour récupérer un fils, un frère ou un mari.

Le personnage est découvert le 1er février 1918 errant à la gare de Lyon-Brotteaux, probablement rapatrié d’un convoi de blessés depuis l’Allemagne.


N’étant pas historien et n’ayant pas lu ou vu les autres productions consacrées à l’histoire du dénommé Anthelme Mangin (identité qui lui est extirpée à son retour du front, alors qu’il est en état de commotion), je ne peux juger de la véracité d’ensemble du récit. Cependant la BD rend bien compte du décalage entre l’effacement du personnage principal, passif et à jamais enfermé dans un état de semi-prostration, et :

  • l’abnégation du docteur Feynarou, responsable de l’hôpital psychiatrique de Rodez dans lequel échoue Mangin, qui n’aura de cesse, parfois en forçant la main des élus et de ses supérieurs, d’établir la véritable identité de son patient
  • la conviction frisant parfois le délire de ses « proches », pour lesquels le deuil est impossible, qui le reconnaissent malgré les centimètres en moins, les cicatrices qui manquent, les dates qui ne concordent pas ou les photos manifestement non ressemblantes

La petite histoire rejoint la grande de l’entre-deux-guerres : la Grande Guerre, c’est pour la France environ 1,5 millions de morts et près de 250 000 disparus dont on a aucune trace. Et donc un très grand nombre de familles laissées dans le doute. C’est ainsi que, lorsque vient l’idée de publier la photo de Mangin dans la presse, près de 300 familles, sur plusieurs années, croient reconnaître un proche, et pas seulement, loin s’en faut, pour toucher sa pension. On est ainsi pris dans un tourbillon, qui semble sans fin, d’autant que l’amnésie dont souffre l’ancien poilu est définitive : aucun indice ne viendra de lui. C’est aussi à une satire de la politique politicienne locale et des effets pervers de la médiatisation que l’on assiste.

Je vous épargne les détails et fausses pistes mais l’affaire est portée devant les tribunaux, et il faudra attendre 1937, alors que le soufflé est largement retombé et que d’autres évènements occupent l’esprit des Français, pour que les experts rendent leur verdict définitif : Anthelme Mangin est Octave Monjoin, blessé dès 1914 et fait prisonnier. Fait pour le moins extraordinaire, la famille Monjoin fait preuve de très peu de diligence quant à la reconnaissance d’Octave. Cependant, le jeu des renvois en appel et cassation font que le pauvre Mangin mourra en 1942, dans l’oubli, avant la conclusion judiciaire de son affaire…

A noter également que dans l’ouvrage apparaît Jean Anouilh, qui s’inspirera de Mangin pour sa pièce le Voyageur sans bagage, dans laquelle un soldat amnésique refuse de reconnaître sa vraie famille et son ancienne identité, pour préférer se construire une nouvelle vie au sein d’une autre famille qui l’avait « reconnu ».

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