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lundi 11 octobre 2010

Entretien avec Amaury Bessard, président fondateur de l'Observatoire Français des Think Tanks

Amaury Bessard, président fondateur de l'Observatoire Français des Think Tanks (OFTT) et animateur du blog Think Twice, a accepté de répondre à quelques questions relatives à la situation des think tanks français. Cet entretien a déjà été publié sur le site de l'Alliance Géostratégique.


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Pouvez-vous présenter l'OFTT en quelques mots ?

L’Observatoire Français des Think Tanks est une initiative associative née en 2006. La vocation première de l’OFTT est d’étudier de comprendre et d’analyser l’émergence du phénomène think tank puis de diffuser au plus grand nombre cette connaissance acquise pour la débattre et l’enrichir. C’est la mission de notre site web www.oftt.eu, de notre magazine trimestriel Think, et plus récemment de mon blog intitulé Think Twice.


Au-delà des tentatives de définition, quel est, s'il existe, le plus petit dénominateur commun à tous les think tanks ?

La production d’innovation politique constitue l’essence du think tank.


Selon l'étude "The Global Go-To Think Tanks" publiée en 2009 par le FPRI, voir p. 27), un seul think tank français, l'IFRI, figure parmi les 25 plus influents du monde (hors think tanks américains). Est-ce représentatif de la situation française, au regard notamment de ce qui se passe chez les Anglo-saxons ?

Il est toujours difficile de tirer des conclusions de classements internationaux qui comparent autour de mêmes critères des organisations qui évoluent dans des systèmes différents. Toutefois, nous pouvons voir apparaître la faiblesse budgétaire des organisations françaises, qui pour la plupart, ne disposent pas de chercheurs salariés en leur sein.Un autre volet de cette représentation française au sein de la « concurrence » internationale réside dans la culture centraliste de l’Etat français et l’organisation de notre recherche scientifique (via le CNRS) qui ont généré un modèle politique propre à notre pays, peu comparable aux traditions anglo-saxonnes, probablement moins favorable aux corps intermédiaires issus de la société civile. Enfin, la majorité des « think tanks » français poursuit une ambition nationale, seuls quelques-uns (dont la qualité des publications est d’ailleurs souvent reconnue) développent une vision européenne mais cela s’arrête là. Ce classement a le mérite de souligner l’importance de l’IFRI (créé en 1979 sous une impulsion publique) au niveau international et la qualité de ses recherches.


Depuis les débuts de l'OFTT, avez-vous perçu des évolutions majeures en ce qui concerne l'influence ou la perception des think tanks en France ?

Je vous avoue ne pas avoir perçu d’évolution majeure en 4 ans. Ce qui me paraît logique car nous étudions un mouvement de fond plus qu’une mode. Toutefois, je remarque une attention croissante des médias et des élus pour ces boîtes à idées. Pour le journaliste pressé, le think tanker constitue un formidable commentateur de l’actualité. Voire même le concept central et l’objet d’une émission entière (Cf. l’émission Think tank sur LCI). Pour l’élu, les think tanks représentent (aussi ou surtout selon les cas) une caution intellectuelle. A la veille de grandes échéances électorales, rares sont les personnalités en lice dépourvues de leur think tank…. Il y a un effet d’halo médiatique sur le phénomène. Cela peut être favorable à leur essor et à leur visibilité auprès du grand public mais constitue dans le même temps un risque : celui de la gadgetisation.


Quelle est votre perception des effets de la production des think tanks dans le domaine de la défense et de la pensée stratégique ?

Les think tanks français ont-ils une influence dans la pensée stratégique française… Je ne suis pas un expert en relations internationales mais on peut se demander s’il existe une pensée stratégique française aujourd’hui. Vous serez plus à même que moi d’y répondre. Au-delà de ce questionnement initial, la France dispose de quelques centres de recherche spécialisés de très grande qualité. Nous avons cité l’’IFRI de Thierry de Montbrial et Dominique Moïsi plus haut, nous pouvons aussi évoquer la Fondation pour la Recherche Scientifique (qui vient de relooker son site web pour info), ou encore l’IRIS de Pascal Boniface.

J’en oublie certainement mais selon moi, il est évident que leurs travaux nourrissent la réflexion stratégique de l’Etat. Ce n’est certainement pas aussi visible que l’action du PNAC aux USA sous l’ère Bush mais il y a des signes qui ne trompent pas. Regardez la proximité culturelle entre le personnel de ces think tanks et celui de l’administration par exemple. Selon moi, ils partagent la même matrice intellectuelle. Mais votre questionnement demanderait une étude plus approfondie.


Les think tanks peuvent-ils s'adresser directement à l'opinion publique ?

Je pense qu’ils le peuvent et même qu’ils doivent le faire. L’opinion est une partie prenante importante dans nos systèmes politiques. Tout ne peut pas venir d’en « haut ». Pour ne pas rester prisonnier dans une tour d’ivoire intellectuelle, les think tanks ont tout intérêt à partager leurs réflexions avec le plus grand nombre. La première étape reste la mise à disposition de leurs publications et l’organisation de conférences. Ensuite, ils peuvent aller plus loin en interpellant directement le grand public comme l’Institut Montaigne avec son blog ou ses spots TV. Ils peuvent aussi, plus rare, le faire participer à leurs travaux à l’image de confrontation Europe qui tente souvent de réunir une diversité de population issue de représentants de la société civile pour construire ces réflexions. Enfin, les tribunes et autres chroniques dans les journaux leur permet également de diffuser leurs idées au plus grand nombre. Ne disons nous pas que la connaissance est la seule chose qui s’accroît quand on la partage. Il est de leur intérêt de faire rayonner leurs idées, directement auprès des décideurs et indirectement auprès des citoyens (grassroots)


L'évolution du Web (réseaux sociaux et autres plates-formes collaboratives) peut-elle favoriser l'émergence de "réservoirs de pensée" plus distribués et peut-être moins institutionnels ?

Les think tanks comme tout autre acteur participatif à la vie de la cité doivent s’adapter à l’évolution de notre société. Le développement de nouveaux usages de communication doivent évidemment être intégrés. La Fondapol de Dominique Reynié a d’ailleurs eu la bonne idée de lancer son initiative « politique 2.0 », une veille consacrée aux effets du web 2.0 sur les pratiques politiques. Aux USA, les grands think tanks démocrates utilisent les réseaux sociaux avec habilité. Regardez par exemple ce que fait le CAP (Center for America Progress) sur le web. Et je ne parle pas que d’une page Facebook ou d’un compte Twitter ! Je ne sais pas si leurs travaux seront plus participatifs au final mais leur communication sera certainement plus impactante.


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