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Mon Blog Défense

mercredi 30 juin 2010

La justice, une arme de la guerre économique

J'ai souvent évoqué ici le fait que les grands pays émergents conditionnent l'attribution de grands marchés à des transferts de technologies voire la constitution de joint-ventures avec des acteurs locaux (voir par exemple L'internationalisation de l'Inde passera par EADS ou Le Brésil à la recherche de transferts technologiques).


C'est particulièrement le cas de la Chine, qui semble se faire une "spécialité" de s'approprier les technologies et venir ensuite concurrencer ses anciens fournisseurs soit sur son territoire, soit sur le leur. Une variante consiste à violer des accords établis avec des partenaires étrangers, qui se trouvent ainsi dépossédés de leurs licences... et la justice chinoise a tendance à trancher en faveur de ses poulains. Il faut voir ce qu'il s'est passé pour certains constructeurs automobiles, ou même récemment pour Danone et Schneider Electric (malgré la preuve d'antériorité de ses brevets).

Les Echos racontent dans la même veine la déconvenue d'Alstom (Comment Alstom s'est fait piéger par son allié chinois), qui avait monté une joint-venture avec le chinois Insigma. Ce dernier a violé les termes de l'accord conclu en transférant une licence relative à la "désulfuration humide" à ses filiales et en cessant de payer les royalties dues à l'entreprise française, apporteuse de la technologie. Et aujourd'hui, il tente une percée en Europe, en se portant candidat à des appels d'offres financés en partie par des fonds européens (BERD). Un marathon judiciaire est en cours... Oh, certes, une cour de Singapour a condamné Insigma, mais il faut que le même jugement soit prononcé en Chine pour être exécuté.

Cet exemple, au même titre que les bisbilles transatlantiques récurrentes entre Airbus et Boeing, nous rappelle combien la justice peut être, paradoxalement, un instrument dans les mains de certains pays qui souhaitent contourner les règles de la libre concurrence. Certes il paraît difficile d'aller expliquer aux Chinois comment rendre la justice chez eux. Cependant, leur adhésion à l'OMC devrait être conditionnée au respect de règles élémentaires relatives à la propriété privée. Et au niveau européen, il faudrait peut-être songer à trouver un moyen légal d'empêcher des entreprises étrangères prises la main dans le sac du viol de brevet de venir ensuite se montrer entreprenantes dans l'UE.


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mardi 29 juin 2010

Vers le Far North ?

Alors que la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon est encore loin d'être terminée, la course aux ressources que recèlent l'Arctique, qui a tendance à fondre comme neige au soleil, est lancée. Oh, cela ne date pas d'hier (voir par exemple Arctique : coup de chaud dans la guerre du froid).


Les problèmes de souveraineté et de répartition de l'exploration, loin d'être résolus, rejailliront certainement sur l'impact écologique en cas de problème majeur, dans une zone où les conditions de traitement des accidents sont loin d'être maîtrisées. Ceci apparaît par anticipation assez effrayant, au vu de ce qui se passe depuis maintenant plusieurs mois dans le Golfe du Mexique.

Pour le moment, les promesses de réserves gigantesques aiguisent les appétits et ambitions nationaux et privés, et éclipsent le besoin de définir un cadre de gouvernance global fixant des règles du jeu partagées. Croire en ce cadre est-il faire un doux rêve ? Fort possible, mais dans ce cas il faut s'attendre à un véritable Far North (un peu comme le Far West, sauf que les Indiens y sont déjà morts).

A lire sur le sujet, l'article de Bertrand d'Armagnac et Olivier Truc "La course au pétrole arctique manque de garde-fous".

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lundi 28 juin 2010

Guerre asymétrique : ne pas surestimer l'adversaire

En cette période de tension sur le front afghan, et pas seulement sur le terrain mais également dans les hautes sphères, alors que les résultats se font attendre et que de nombreux "experts" n'entrevoient que la défaite, faut-il envisager un changement de cap, ou des approches complémentaires, dans la lutte contre le terrorisme à l'échelle planétaire ?



Je conseille à ce sujet la lecture de l'article "The case for calling them nitwits" ("Et si on les qualifiat d'idiots") de Daniel Byman et Christine Fair, qui vient en quelque sorte démythifier, de façon assez crue, le visage de l'ennemi :

They blow each other up by mistake. They bungle even simple schemes. They get intimate with cows and donkeys. Our terrorist enemies trade on the perception that they’re well trained and religiously devout, but in fact, many are fools and perverts who are far less organized and sophisticated than we imagine. Can being more realistic about who our foes actually are help us stop the truly dangerous ones?

Ils seraient donc bien moins fanatiques (comprendre : nous ne sommes peut-être pas en présence d'un choc des civilisations) et organisés que cela. Une piste à suivre pour prendre le dessus dans la guerre des images et contribuer à la low cost war ?

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dimanche 27 juin 2010

Rappel : Colloque Logistique le 29 juin à l'Ecole Militaire


Il est encore possible de s'inscrire au colloque organisé par Participation & Progrès et parrainé par AGS, en envoyant un email avec nom/prénom à alliancegeostrategique@gmail.com ou contact@alliancegeostrategique.org.

Le programme complet est disponible en ligne : http://www.alliancegeostrategique.org/wp-content/logistique_programme.pdf

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vendredi 25 juin 2010

[Le blog de la semaine] : Clio&mars.org


Cette semaine, je signale le blog Clio&mars.org tenu par Béatrice Richard, professeur en histoire militaire au Collège militaire royal du Canada et au Collège militaire royal de Saint-Jean. Il se destine, sans surprise, aux amateurs d'histoire militaire et de stratégie.


Lancé fin mai 2010, il est donc tout jeune, mais comporte déjà, outre les quelques articles en eux-mêmes, de nombreux liens vers des sources en ligne, qu'il s'agisse de l' "e.bliothèque" ou des "e.cartes". Avec forcément un focus plus particulier sur le Canada et le Québec. A signaler également, la rubrique "Appels" qui signale des appels à contribution dans le cadre de colloques ou revues.

A suivre donc, notamment pour les férus d'histoire militaire.

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jeudi 24 juin 2010

"Dissolution de la Belgique : une chance pour la Défense française ?" par Thibault Lamidel


Ce dimanche 13 juin 2010 fut un peu particulier. Nos compatriotes européens de Belgique ont voté pour renouveler leur « Chambre » et Sénat. Depuis plusieurs décennies, ces élections se font dans un climat toujours plus tendu. La cause indépendantiste flamande a encore progressé : le premier parti flamand sorti des urnes est indépendantiste.


L’hypothèse d’étude dans le présent article est bien sûr que la Belgique serait condamnée. Ces élections étant peut être le signe du début d’une fin définitive. Et donc, quid de l’avenir de l’armée belge en cas de partage entre deux « Etats » ? Peut-on s’appuyer sur d’autres exemples européens pour déterminer des « critères » de partage ? La France y gagnerait-elle ?


Tension communautaire belge de 1830 à 2010


Mowag Piranha IIIC ; crédit inconnu


Présentons une vision simplifiée du « problème belge ». C’est le fruit d’un revirement historique. La Belgique a été créée pour couper la France de la mer du Nord et la priver du port d’Anvers, notamment, Dunkerque étant historiquement un problème suffisamment lourd pour les Anglais. Ce nouvel Etat se construit paradoxalement sur une société francophone et très francophile. Cette « revanche » de la défaite de 1815 ne sera pas sans conséquence. La partie « hollandaise » du pays n’apprécie guère la prééminence du fait francophone qui, d’ailleurs, est mené sans ménagement vis-à-vis des néerlandophones. Attitude très jacobine ? Quoi qu’il en soit, le « mouvement flamand » prend son essor. Et il va prendre sa revanche à un moment charnière : quand les bassins houillers se vident. La Wallonie, historiquement riche financièrement et démographiquement, engage mal le tournant de la fin du charbon (entre autres). C’est tout le contraire de la Flandre qui négocie bien l’après charbon. Auparavant moquée par la Wallonie, riche et nombreuse, elle devient à son tour riche et nombreuse alors que la première s’appauvrit. La Flandre prend conscience de cet état de fait et de son statut de « Dragon », pourrait-on dire aujourd’hui. Germe donc l’idée d’une Flandre indépendante, à l’image de l'Écosse. La persistance des problèmes économiques et démographiques wallons, la continuité de la réussite flamande font prospérer ce projet. Vous connaissez la suite, ou presque. La cause indépendantiste flamande ne cesse de progresser. Ce dimanche 13 juin, les partis « pro-indépendance » ont obtenu une large victoire en Flandres. 40%, environ, de l’électorat flamand s’est prononcé pour des partis soutenant officiellement l’indépendance.



De Gaulle


"Si un jour une autorité politique représentative de la Wallonie s'adressait officiellement à la France, ce jour-là de grand cœur nous répondrions favorablement à une demande qui aurait toutes les apparences de la légitimité"


Cette phrase du général de Gaulle prend d’autant plus de sens aujourd’hui que la fracture belge s’accentue. Elle semble suivre un parallélisme troublant avec la disparition de la Tchécoslovaquie. Toutefois, JGP me fait rigoureusement rappeler que les deux histoires ne se sont pas produites dans les mêmes circonstances. La séparation tchécoslovaque « s’est faite beaucoup plus rapidement après la fin du rideau de fer » dixit l’hôte du blogue.


Mais avant de trop spéculer, il faut attendre deux conditions : que la Belgique disparaisse bel et bien, et qu’une autorité politique représentative de la Wallonie fasse une demande. Après, il conviendra d’envisager une hypothèse : que dans la « montée aux extrêmes », la Wallonie devienne une région française à statut transitoire (pour régler toutes les questions « inédites » pour intégrer cette région).

Pour aller plus loin, deux liens sur des groupes d’études de l'intégration de la Wallonie à la France :


La Flandre dans la désintégration


Il serait d’ailleurs temps de s’interroger sur une chose : la Flandre, indépendante ou rattachée aux Pays-Bas ? La chose n’est pas évidente car les opinions évoluent assez vite selon les circonstances.

Les sondages passés de la population hollandaise font émerger deux choses : premièrement, la chute de la Belgique n’est pas d’une probabilité crédible. Mais en cas de chute, presque la moitié des personnes interrogés se prononcent pour l’annexion de la Flandre à son voisin du nord. La chose serait intéressante pour les Pays-Bas : ils franchiraient la barre des 20 millions d’habitants dans l’Union Européenne, et ce n’est pas rien de peser plus dans les institutions communautaires. Enfin, il semble que les Flamands soient appréciés des néerlandais. A voir donc, et il serait intéressant d’avoir de nouveaux sondages.

Mais il reste aussi l’option que la Flandre reste indépendante. C’est plus obscur car une partie de l’extrême-droite flamande s’inscrit dans le projet de leurs confrères hollandais de « Grand Pays-Bas » (Groote Nederland). Seulement, il faut garder à l’esprit une chose. Il existe aussi un fort mouvement européen pour la promotion de territoires ayant une réussite économique insolente. Souvenez-vous donc de l’aspiration écossaise à l’indépendance, mise en panne par la crise. Ou encore, des mouvements autonomistes espagnols. Le Tigre irlandais a fait des petits ici et là. Il était l’exemple d’un petit état qui réussit. Et certains lucides peuvent se dire que son modèle n’est pas condamné par la crise et ses conséquences.


Le partage des forces armées et armements dépendra donc de la forme future des deux régions, de leurs perspectives d’indépendance ou d’adhésion à un autre Etat. Et dans la perspective d’indépendance, y aura-t-il volonté de constituer une armée ? Et de quelle ampleur ?


Armée belge


Pandur II ; crédit : inconnu


L’Armée belge n’a cessé d’être réduite après la guerre froide, réforme après réforme. A un tel point que l’on peut légitimement se demander si c’était seulement motivé par le gain financier ou par l’affaiblissement une institution « nationale ». JGP me recommande cet article de Joseph Henrotin : « Comment 20 ans de désinvestissement ont abouti au pire échec de l’Armée belge depuis 1940 ». Je vous invite à sa lecture pour apprécier la conséquences des diverses réformes belges pour gagner en « efficacité ». Et faire quelques parallèles avec les réformes en France. Ce qui reste de l’Armée belge aujourd’hui est structuré en « composantes » (terme technique et aride qui vide une institution de ses traditions ?). Les principaux matériels par composante sont :


  • Composante Marine : deux ex-frégates hollandaises (classe Karel Doorman) et 6 chasseurs de mines tripartites (classe franco-hollando-belge).

  • Composante Air : 76 F-16 ; 11 C130-H ; 2 A310 ; une pléiade d’avions d’affaires reconvertis en transporteurs ; 36 Agusta A-109 et 14 drones B-Hunter.

  • Composante Terre : une soixantaine de Pandur ; environ 220 ATF Dingo (remplace une partie des M-113) ; 440 Iveco VTLM Lince et trois tranches de 246 Piranha III en commande (remplace le reste de M-113, les AIFV-B et les Léopard 1A5E (Mowag, producteur du Piranha a été racheté par General Dynamics))


C’est un petit inventaire des principaux matériels. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que certains d’entre eux seraient une chance pour la Défense française ! On pense d’abord aux onze C-130H qui permettraient à l’Armée de l’Air de pouvoir respirer en résolvant, en partie, le manque d’aéromobilité.


Vue du Léopold 1er avec son nouveau mât ; crédits : THALES NEDERLAND


Qui récupérera les frégates ? Un lecteur nous fait remarquer que seule la Flandre a une façade maritime.

Mais avant toutes prétentions, il faut partager. Et vous aurez bien compris que si la Wallonie s’inscrivait dans une démarche de rattachement à la France, alors l’Armée française se ferait sûrement pressante pour que le Quai d’Orsay influence le résultat du partage entre Flandre et Wallonie. Et pour que cette dernière choisisse plutôt tel ou tel matériel.


Les cas Tchécoslovaque et Yougoslave : quelques critères de partage futur de l’Armée belge ?


Le « divorce de velours » entre Tchèques et Slovaques s’est fait par un partage des dettes en deux options différentes : soit en fonction de la localisation d’actif matériel comme les armements (critère géographique), soit un partage du patrimoine en fonction d’un ratio de « 2/3 » (naturellement motivé par la différence de population : critère démographique).


L’Armée Fédérale Yougoslave, quant à elle, était composée majoritairement de Serbes, ce qui assurait presque une garde « ethnique » unique sur les armements de la défunte république. Les piteuses guerres qui ont accompagné l’implosion de la Yougoslavie ont peu permis d’y voir clair dans le partage des armements. Celui-ci s’étant fait entre diverses guérillas et l’armée Yougoslave sur fonds de combats. La dernière conséquence en date, et bien identifiable, est la fin définitive de la Yougoslavie, quand Serbie et Monténégro se sont séparés. La Serbie, privée de façade maritime, n’avait aucun intérêt à conserver la flotte. C’est donc le Monténégro qui l’a récupérée, mais sans les moyens de la faire prospérer.


Tout dépendrait donc de la localisation des armes, et de la « nationalité » de leurs servants. Et aussi de la volonté de détenir ou non des armements.


Le cas particulier des F-16 : la France, enfin, dans le club ?


F-16 belge ; crédit : SIRPA Air


Les F-16 belges sont supérieurs en certains points aux chasseurs français. Notamment du fait de leur interopérabilité avec les alliés de l’OTAN en Afghanistan. Le pod « Sniper » en est le principal argument. Néanmoins, outre ce dernier, sont-ils supérieurs à tous nos avions ? Qu’ils dépassent tout ou partie de nos Mirage, cela ne serait pas tellement étonnant. Il faudrait pouvoir revenir en détail sur la modernisation de milieu de vie (MLU) qu’ont subie certains de ces appareils. Mais la question est très intéressante puisque les F-16 pourraient permettre de moderniser rapidement une partie de l’Armée de l’Air. C’est un peu la même problématique que les Mirage 2000-9. D’autant plus qu’ils seraient « livrés » avec leur personnel.

Mais les États-Unis laisserait-il faire cette récupération ? Est-elle seulement possible ?


Il ne serait pas inintéressant de récupérer quelques F-16 pour maintenir un dispositif aérien transitoire. L’intégration du ciel wallon dans le dispositif français ne se fera pas du jour au lendemain. L’une des options serait de garder une base aérienne, désormais wallonne, ouverte. Il ne faut pas oublier qu’on n’a pas les moyens de placer un escadron Rafale sur une telle base. A-t-on seulement les moyens d’y placer un escadron français même existant ? Et même, est-ce bien nécessaire ?


Dans un souci plus « stratégique », il ne serait pas étonnant, mais alors pas du tout, qu’un échantillon d’appareils soit récupéré. Autant pour combler quelques petits vides capacitaires français que par nécessité de les « tester en vol ». C’est peut être « machiavélique » mais il faudrait se préparer à en voir une partie rejoindre Cazaux (formation) et Mont-de-Marsan (étude technique). Et voir quelques industriels « privés » tourner autour de ces machines. Et quelque temps plus tard, la France rejoindrait le club des pays pouvant fournir des modernisations de F-16. Connaissant le parc existant, le marché est loin d’être négligeable. Mais encore une fois, peut-on croire que les américains laisseraient quelques unes de leurs productions, même en partie démodées, se faire étudier à la loupe chez un de leurs concurrents ?


Mais, alors, ce serait avec beaucoup de « si », la France rejoindrait le club des nations opérant le F-16, ce qui serait une petite ironie de l’Histoire. Puisque Mirage et Rafale combattent lourdement ce concurrent sur le marché export. Ce sera peut-être d’ailleurs un atout de poids pour le contrer. Mais il faudra éviter bien sûr que le F-16 ne puisse prendre une place importante dans le dispositif aérien français. Pour éviter la menace d’offrir quelques moyens de pressions à nos « amis » de Washington. Tout comme ces derniers n’apprécieraient pas que leurs F-16 finissent en banc d’essai volant. Il n’est bien sûr pas envisageable que les machines ainsi récupérées prennent une place prépondérante au détriment du Rafale (à l’image du problème des Mirage 2000-9). Mais sait-on jamais ?


La Base Industrielle et Technologique de Défense : vers un nouveau FAMAS ?


FN Herstal Scar ; crédit : inconnu


Ce serait presque la cerise sur le gâteau de notre hypothèse. Une entreprise et une seule permettrait à la France de retrouver son « rang » sur un segment où elle semblait condamnée à disparaître : les armes légères. La Fabrique Nationale d’armes de Herstal se trouve à côté de Liège… En Wallonie ! Mais ce n’est pas suffisant que l’entreprise soit sur un sol possiblement français. Il faudrait en avoir la garde capitalistique. Pour rappel, l’entreprise était la propriété de GIAT Industrie en 1997. Avant que la firme soit reprise par la Région wallone qui est majoritaire au capital désormais. Cela ne s’invente pas. La célèbre firme internationale, à la réputation bien faite et au carnet de commandes bien rempli serait un atout évident. Dans le cas d’une intégration de la Wallonie, la France pourrait récupérer cette entreprise.


Notre « Mamouth » à nous, celui de la Défense, nous rapporté récemment dans un billet que l’Armée française testait différents fusils d’assaut pour compléter ou remplacer la dotation en FAMAS. Si l’entreprise devenait française, il serait logique et naturel que la France favorise « sa » Base Industrielle et Technologique de Défense.


Et la France se réimposerait dans ce segment qui reste essentiel dans les armées (et polices) du monde entier. A l’heure du lancement du programme Scorpion et de la réalisation du programme Félin, la prise de possession de cette entreprise et d’une de ses armes (le Scar) comme fer de lance de notre armée serait un atout évident pour la réussite et la cohésion de l’ensemble !


Décidément, cela ne s’invente pas !


Éventualité de la disparition de la Belgique : impact sur la Défense française ?


C-130H belge ; crédit : « Blackjack » (Flyfan forum), airshow de Melsbroek le 14 septembre 2008


Les C-130 H et A-109 (aéromobilité), frégates et chasseurs de mines belges (manque de patrouilleurs et de frégates), Piranha III (en attendant le VBCI et face à l’obsolescence du VAB) et la FN (lacune industrielle comblée) pourraient venir combler quelques obsolescences de la Défense française actuelle. Globalement, ces matériels aideraient à assurer une transition difficile en ces temps de crise. Mais, sous la réserve judicieuse de JGP : « les coûts d’intégration de la Wallonie dans son ensemble auraient un ordre de grandeur bien supérieur à tout ce qu’on peut discuter au niveau armement, et seraient pris en charge sur de nombreuses années » (dur souvenir de l’ex-RDA ou de la crainte Coréenne du coût de la réunification. Mais la Wallonie n’est pas dans si mauvais état qu’un ex-État soviétique ou assimilé).

Acquérir ces armements, même partiellement, serait un sursaut de crédibilité et de viabilité de l’outil de Défense français qui est encore et toujours menacé par la « Crise ». Serait-ce plus coûteux cependant d’avoir à défendre un plus grand territoire ? La défense belge disparaissant, « l’héritage » sera adapté aux besoins français. Ce qui veut dire que s’il y a trop d’armement ou pas assez, le gain ou la perte affectera la Défense française. Vu le Livre blanc, vu les orientations stratégiques actuels, normalement nous ne devrions pas dépenser plus pour la Défense de cet éventuel nouveau territoire. Nous n’avons pas à craindre le Nord de l’Europe. Donc la proportion de force affectée à la défense de la Wallonie restera modeste. D’autant plus que le territoire n’est pas si grand.


D’ailleurs, une partie des matériels récupérés pourraient être vite revendus. Le programme VBCI est à peu près lancé. Mais le programme de remplacement du VAB se fait désirer. Donc une partie de la dot serait très certainement vite cédée. Il ne faudrait pas faire de l’ombre à nos propres productions. Le risque étant que ces matériels ne deviennent un frein à la tenue des programmes. Il faudra éviter la tentation de reporter des programmes actuels de la Défense française en prétextant qu’un lot de matériel belge pourrait repousser l’échéance de quelques années. Ce sera une lourde tentation à combattre. Il faudra se méfier du gain à court terme qui ne devra pas hypothéquer la viabilité à long terme. Et tenir compte de la présence américaine dans l’armée belge au travers du F-16 et du Piranha III (depuis le rachat de Mowag), ce n’est pas l’un des moindres détails !


La dissolution de la Belgique, et de son armée aurait un impact sur la Défense française sous certaines conditions : que la Wallonie veuille rejoindre la France et assurer sa sécurité par l’Armée française. Et que la Wallonie ait récupéré une partie des armements de l’Armée belge. Sachant qu’il faudra mettre en balance l’avantage présenté par ce qui aura été éventuellement récupéré. Et le coût de l’intégration d’une nouvelle région. Y compris l’adaptation du dispositif militaire français.

C’est un problème très ouvert, plutôt complexe. Mais ce n’est pas un luxe d’y réfléchir avant qu’une surprise se produise. C’est normalement la fonction « Anticipation et Connaissance » de notre Livre blanc.

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mercredi 23 juin 2010

Le Casque et la Plume : fiche de lecture

Je reproduis ci-dessous la fiche de lecture de l'ouvrage "Le Casque et la Plume" de l'allié Olivier Kempf, également publiée sur Alliance Géostratégique.

***

Le colonel Olivier Kempf signe Le Casque et la Plume (Economica, 144 pages), recueil d'une vingtaine de « lettres de commandement » (sous-titre de l'ouvrage) thématiques adressées mensuellement entre septembre 2007 et juin 2009 à ses capitaines du 516° Régiment du Train.

En voici une courte fiche de lecture, qui je l'espère en fait ressortir l'esprit et les principaux traits marquants.

1 – En premier lieu, précisons que nous ne sommes en présence ni d'un manuel ni d'une liste d'ordres, mais plutôt d'un appel à lever la tête et réfléchir pour mieux voir « au-delà de la colline ». Attention, réflexion ne signifie pas verbiage abscons, décorrélé des réalités quotidiennes : non, l'objectif est clairement d'aider les destinataires des lettres à « grandir » et appréhender les différentes facettes du commandement au quotidien. Olivier Kempf en profite pour glisser de nombreux exemples tirés de sa propre expérience de commandant ou de commandé. Détail révélateur, les lettres sont transmises en début et non en fin de mois, signe que l'accent est mis sur la prospective, l'anticipation, et non le bilan. Sont donc évoqués des sujets comme la gestion des hommes, du temps, des priorités, de la discipline (à plusieurs reprises est explicitée la différence que l'auteur voit entre le « guerrier » et le « soldat »), des tâches administratives, des absences, de la vie en OPEX mais également les « conneries » de ses soldats, leur motivation, le rapport à la hiérarchie, à la mort, les passations de commandement ou même la toxicomanie.


2 – Ce qui saute au yeux, en lisant la liste ci-dessus mais plus encore le contenu des lettres, est que la dualité civil/militaire dépasse largement la technologie. Ainsi, de nombreux conseils dispensés par le colonel pourraient très bien figurer dans un ouvrage de « manad'gemen't » (voir ci-dessous pour la référence) ou d'efficacité personnelle. D'autant que le jargon militaire est utilisé avec une extrême parcimonie : au pire, le lecteur lambda aura parfois un peu de mal à ne pas se mélanger les pinceaux entre régiment, escadron, peloton...

Par exemple, ce qui est dit de la relation parfois ambivalente que chacun peut entretenir avec la messagerie électronique, levier de productivité mais aussi parfois esclavagiste informatique, rappelle les propos de David Allen, le créateur de la méthode Getting Things Done.


3 – Le rapport au civil, voilà bien un thème qui revient souvent au fil des différentes lettres, qu'il s'agisse d'une visite du ministre / du grand public (actions de communication et de « relations publiques », qui ne doivent pas être négligées car elle sont partie intégrante du métier militaire), de la réforme (nous sommes à l'époque des RGPP et du Livre Blanc) ou de la question de la bonne gestion de l'outil de défense. On retrouve là des réflexions reprises par Olivier Kempf sur son blog, touchant à la mesure de la « production » de l'armée. Mais plus encore, le lien entre commandement d'un côté et gestion ou « manad'gemen't » de l'autre. Car comme le souligne l'auteur dans la lettre justement nommée « Commander ou gérer ? » :


Autrefois, les entreprises civiles empruntaient nos formes d'organisation. Ce temps a vécu et nous avons cru devoir faire la réciproque.

Où il s'agit pour le commandant de bien garder à l'esprit que son « coeur de métier » n'est pas dans la « gestion des ressources humaines » ou les tâches administratives : l'obsession du quantitatif et du cadre formel qu'impose le système se fait au détriment du contact avec les hommes, qui comme la guerre elle-même relève principalement du subjectif. L'important est dans la discipline et la capacité d'initiative, d'ailleurs illustrée par une citation du général de Gaulle, à propos de Leclerc :


Il a obéi à tous mes ordres, même ceux que je ne lui avais pas donnés


4 – Commander, cela nécessite de disposer des moyens de prendre les bonnes décisions, et en premier lieu du bon niveau d'information. Aussi l'auteur consacre-t-il, dans sa lettre « Hiérarchie », de longs développements, et un coup de gueule, sur le « compte-rendu », outil capital dans la remontée de renseignements cruciaux, et pendant de l'exercice descendant de l'autorité. Je souhaiterais ici insister sur un point qui à mon sens n'est pas assez explicite : la différence entre « compte-rendu » et « journal » (« log » en anglais, comme celui que peut tenir un officier de permanence). Ce dernier est utilisé pour garder une trace de tous les évènements, à des fins de traçabilité, dans le cas d'un audit ou de la survenance d'un problème ultérieur. Il n'est pas un outil de décision en tant que tel, car il est bien trop riche en informations, d'importance variable, sans réelle indication de priorité. Le décideur y risque l'ennui, la perte de temps (qui est précieux) voire la noyade, un problème d'actualité à l'époque des technologies de l'information et du Network Centric Warfare.


5 – On l'a dit, l'objectif affiché est d'inciter les capitaines destinataires des lettres à la prise de recul par rapport à leur activité quotidienne de commandement. Le commandement, cela se fait sur le terrain ; alors que l'état-major, lui, est peut-être plus le lieu des réflexions de haut niveau sur la doctrine ou la stratégie. Olivier Kempf introduit çà et là des sujets que l'on a l'habitude de voir traités, par exemple, sur Alliance Géostratégique ou plus largement la blogosphère de défense/sécurité. On comprend la limite de l'exercice dans le cadre d'un tel ouvrage, même si l'on aimerait parfois quelques développements supplémentaires. Comme par exemple lorsque sont abordés les sujets de la place de la technologie et de la confrontation des volontés :


La technique reste asservie à l'homme, car c'est toujours lui qui est au centre du combat, lui l'acteur de la guerre, n'en déplaise aux futuristes qui imaginent un champ de bataille où il n'y aurait que des machines : malheureusement, la guerre est un affrontement de volontés, et seul l'homme possède cette volonté. La machine lui sera toujours subordonnée.

La « guerre » se réduit-elle au « champ de bataille » ?


En conclusion, un petit ouvrage qui se lit fort bien et assez vite, format épistolaire et style direct aidant. En termes de cible, il peut intéresser toute personne en situation de responsabilité, qu'il s'agisse de commandement militaire ou de « manad'gemen't » en entreprise. Et puis il est important d'aider les jeunes auteurs qui débutent !

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mardi 22 juin 2010

Etats-Unis / Royaume-Uni : de l'eau dans le pétrole

J'évoquais il y a quelques semaines les remises en cause par certains décideurs britanniques de la "relation spéciale" que leur pays entretient avec les Etats-Unis (La relation spéciale entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, un mythe ?).


La catastrophe écologique au large de la Louisiane n'est certes pas là pour améliorer les choses. Alors que Barack Obama fait sienne la charge tout azimut contre la firme BP, souhaitant la "faire payer" pour l'ensemble des dégats (écologiques, humains, financiers...) occasionnés, Londres prend sa défense, soulignant son importance pour les économies américaine et britannique. Il faut dire que les milieux d'affaires, mais également les médias et le monde politique pressent le nouveau Premier Ministre Cameron de monter au créneau, dénonçant ce qu'ils perçoivent comme de l'anglophobie.

L'éditorialiste conservateur David Blackburn n'y va d'ailleurs pas de main morte :

BP est responsable de la fuite, mais l'entreprise est diabolisée par un président américain qui dissimule son populisme et ses préjugés sous les beaux atours de l’autorité morale. BP n’est que la dernière des institutions britanniques à être vilipendée par Barack Obama.
Selon lui, c'est d'abord le "marché américain insatiable" qui est responsable des risques sans cesse plus grands pris par les pétroliers. Une argumentation qui ressemble un peu à celle de Sarah Palin, pour qui les écologistes sont les vrais coupables, eux qui empêchent les forages en Alaska et forcent donc les majors à ces plates-formes en eaux profondes...

David Blackburn élargit la critique à de nombreux sujets qui cristallisent le mécontentement des Britanniques face à leur allié américain
L’élection de Barack Obama fut un moment historique. La bonne volonté et le respect des Britanniques face à cet événement ne leur ont toutefois valu que mépris. Des centaines de soldats britanniques ont été tués ou blessés dans une guerre américaine que Barack Obama n’a fait qu’intensifier. Les sacrifices consentis par l’allié le plus proche et le plus fidèle des Etats-Unis ont été payés par la reconnaissance des droits de l’Argentine sur les Malouines. L’histoire ne manque pas de piquant quand on sait qu’une large majorité des habitants de ces îles ont voté pour rester citoyens britanniques et que Barack Obama déclarait récemment à des jeunes diplômés de l'académie militaire de West Point que “l’Amérique a réussi en guidant ces courants (de coopération) vers la liberté et la justice”.

Au-delà de la bonne foi des uns et des autres, il est légitime de se demander si cet épisode (qui dure et va durer) n'est pas à même d'accélérer la sortie du Royaume-Uni de son rôle de "Grèce dans l'Empire Romain", pour reprendre les mots de Marc Ferro.

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lundi 21 juin 2010

Session plénière de l'Assemblée de l'UEO : rapports en pagaille

Du 15 au 17 juin a eu lieu l'une des dernières sessions plénières de l'Assemblée de l'UEO (ou plus exactement de l'Assemblée Européenne de Sécurité et de Défense), avant sa dissolution annoncée pour juin 2011.



Les rapports adoptés lors de la session figurent sur le site de l'AUEO :

*

J'avais déjà évoqué le rapport relatif à l'Afghanistan et aux opinions publiques. Voici le communiqué de presse qui l'accompagne :

Paris, le 16 juin 2010 – L’Assemblée a demandé à l’Union européenne et à l’OTAN d’améliorer leur stratégie de communication sur la guerre en Afghanistan, déclarant qu’une plus grande honnêteté et une plus grande franchise peuvent sans doute permettre de rallier le soutien de l’opinion publique aux efforts pour lutter contre le terrorisme.

Présentant un rapport intitulé « L’Afghanistan : expliquer à l’opinion publique les raisons d’une guerre » au nom de la Commission pour les relations parlementaires et publiques, John GREENWAY (Royaume-Uni, Groupe fédéré) a déclaré que de manière générale, le soutien apporté par l’opinion publique à « l’opération militaire la plus complexe et la plus délicate depuis peut-être deux générations ou plus » s’effrite, même s’il y a des divergences d’opinion au sein des pays et entre eux.

Cette baisse de popularité est « souvent la conséquence directe des pertes en vies humaines, qui choquent les sensibilités et se heurtent aux valeurs de justice et d’humanité ». On obtiendra sans doute « plus aisément le soutien de l’opinion publique en expliquant avec une plus grande honnêteté et une plus grande franchise pourquoi nous sommes là et ce que nous cherchons à faire ». Pour l’heure, l’opinion publique a l’impression que la guerre « s’enlise et que les efforts de militaires comme des civils ne sont pas couronnés de succès », a dit M. GREENWAY.

L’objectif majeur du rapport est de « s’efforcer de faire le point sur les évolutions ou les revirements de l’opinion publique à propos de la guerre » dans les pays contributeurs de troupes. Il ne s’agit pas de savoir si la guerre est justifiée, ni comment elle devrait être menée ou comment y mettre fin. Un autre élément capital, auquel les pays de l’UE n’ont guère prêté attention, est l’opinion à l’intérieur de l’Afghanistan, a dit M. GREENWAY, qui a ajouté que « la présentation faite jusqu’ici à l’opinion publique manquait de clarté et de précision ».

Il est dit notamment dans le rapport qu’il faut donner davantage d’informations sur les progrès et les réalisations de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), qui regroupe les forces de l’Alliance placées sous le commandement de l’OTAN ; en outre, il importe de rappeler constamment que « l’objectif premier de la guerre est la lutte contre le terrorisme ». Il est indispensable de « souligner les progrès dans la construction de meilleures relations avec la population afghane, la création d’institutions viables gérées par les Afghans et le rejet de la corruption et des trafics illicites ». De plus, l’assistance en matière de formation et la coopération avec les médias afghans doivent être intensifiés pour « aider à l’établissement de normes plus satisfaisantes pour rendre compte de la situation en Afghanistan ».

Intervenant en séance plénière, Françoise HOSTALIER (France, Groupe PPE/DC) a remarqué que la « terreur se nourrit de l’ignorance » et souligné la nécessité d’améliorer la communication. Elle a insisté également sur l’importance d’adopter le ton juste ; selon M. GREENWAY, il aurait été bon de mentionner ce point dans le rapport. Oliver HEALD (Royaume-Uni, Groupe fédéré) a lancé une mise en garde : les stratégies de communication ne remportent pas les guerres ; il a ajouté que les vues de l’Assemblée étaient conformes à celles du nouveau gouvernement de coalition britannique.

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samedi 19 juin 2010

Colloque logistique du 29 juin

Il est toujours temps de vous inscrire au colloque "La logistique, fonction opérationnelle oubliée" du 29 juin, parrainé notamment par Alliance Géostratégique, et qui aura lieu à l'Ecole Militaire (Amphithéâtre Lacoste) à partir de 8h30.

La participation est gratuite, mais pour vous inscrire, il faut envoyer un email à alliancegeostrategique@gmail.com.


Le programme des deux premières tables rondes, qui ont lieu le matin, est disponible ici :

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vendredi 18 juin 2010

Texte de l'Appel du 18 juin

De Gaulle en 1941



"Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres."



*


Contrairement à l'idée très répandue, cet appel ne contient pas les célèbres phrases "La France a perdu une bataille ! Mais la France n'a pas perdu la guerre !" qui figurent sur l'affiche "A tous les Français" placardée sur les murs de Londres.



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jeudi 17 juin 2010

Jomini et logistique : la coïncidence de l'oubli ?

Il semblerait que la communauté stratégique manifeste un certain désintérêt pour la question de la logistique, au profit du nucléaire, des conflits asymétriques ou même de la privatisation de la guerre.

Faut-il y voir une simple coïncidence avec le fait qu'Antoine-Henri de Jomini, théoricien des "lignes stratégiques", de la "grande tactique" ("art de bien combiner et bien conduire les batailles") et inventeur pour certain de la logistique ("art pratique de mouvoir les armées") militaire moderne, soit aujourd'hui largement oublié ?


De son vivant (il est décédé en 1869) il éclipsait en Europe et aux Etats-Unis son contemporain le grand Clausewitz, qui dans son Vom Kriege a d'ailleurs critiqué les premiers écrits de Jomini, jugés excessivement rationalistes et ne prenant pas du tout en compte les aspects immatériels et l'incertitude de la guerre. Au point que l'historien britannique Michael Howard ait écrit que le Précis était "le plus grand manuel militaire du XIXème siècle". Le Prussien a largement "pris sa revanche" (posthume), peut-être parce qu'il était effectivement plus percutant. Même si Mahan et d'autres ont contribué par la suite à l'essence jominienne de l'armée américaine.

Il faut dire que sa systématisation poussée des types de guerre et de ses facteurs ou son désir de décrire les axiomes fondamentaux et immuables de la stratégie ne l'ont peut-être pas totalement servi. Apparemment, ses écrits ont souvent été interprétés comme contribuant à faire de l'art de la guerre une science positive. En témoigne ce qu'en dit en 1902, à tort ou à raison, Bonnal, (oui celui des "grandes charges de cavalerie") alors commandant de l'Ecole Supérieure de Guerre, dans son De la méthode dans les hautes études militaires en Allemagne et en France :

L'étude de la guerre doit avoir pour base l'expérience de ceux qui nous ont précédés dans la carrière ; et tout système de guerre édifié par voie déductive sur des principes généraux érigés en axiomes dans le genre de ceux qui figurent dans le précis de Jomini doit être rigoureusement écarté comme décevant et dangereux.

Pour autant, quand on regarde les conflits d'aujourd'hui (XXIème siècle), faits de coalitions internationales, d'opérations interarmes, de théâtres très éloignés des bases nationales, on se dit que Jomini est on ne peut plus d'actualité. D'autant plus si l'on a en tête sa "préférence" pour les guerres limitées face aux conflits d'extermination ; ce que d'aucuns lui ont d'ailleurs reproché, y voyant un manque d'anticipation des guerres du XXème siècle.

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mercredi 16 juin 2010

1000 ans de guerre en cinq minutes

Une petite vidéo, déjà vue sur d'autres blogs mais qui est assez instructive, ne serait-ce que par l'évolution de la fréquence et de l'intensité des conflits depuis l'an mil.


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mardi 15 juin 2010

Sun Zi et la logistique

Dans le cadre du thème du mois de l'Alliance Géostratégique, j'ai publié un tout petit article (Sun Zi et la logistique) reprenant quelques citations du stratège chinois relatives à l'approvisionnement des armées en campagne, signe que la la logistique est un problème apparu quasiment en même temps que la guerre elle-même.

J'en reproduis le texte ci-dessous.

*

S'il est possible que la logistique soit aujourd'hui, comme le dit Olivier Kempf, une « fonction opérationnelle oubliée », le premier théoricien militaire de l'histoire a placé la problématique de l'approvisionnement au coeur des préoccupations du chef de guerre.



Bien évidemment, le stratège chinois se place dans le cadre des opérations en territoire ennemi hors du contexte des guerres d'anéantissement ou même des conflits asymétriques que nous connaissons aujourd'hui.

Les quelques citations qui suivent sont issues de son Art de la guerre (traduction de Samuel B. Griffith).


Le fait de faire la guerre loin de ses bases est coûteux :


Lorsqu'un pays est appauvri par les opérations militaires, c'est à cause du prix de revient sur une longue distance ; l'acheminement lointain des approvisionnements laisse le peuple dans le dénuement.


L'entretien des matériels ainsi que les munitions représentent le principal poste de dépense de l'armée en campagne :


En ce qui concerne les dépenses du gouvernement, celles entraînées par la détérioration des chars, par l'épuisement des chevaux, par l'équipement en armures et en casques, en flèches et en arbalètes, en boucliers à main et en boucliers de corps, en bêtes de trait et en véhicules d'approvisionnement, s'élèveront à soixante pour cent du total.


Il convient donc de se ravitailler grâce aux ressources trouvées en territoire ennemi :


Ceux qui sont experts dans l'art de la guerre n'ont pas besoin d'une seconde levée de conscrits et un seul approvisionnement leur suffit.

Ils emportent leurs équipements en partant ; pour les vivres ils comptent sur l'ennemi. L'armée est ainsi abondamment ravitaillée.

[…] En conséquence, le général avisé veille à ce que ses troupes se nourrissent sur l'ennemi, car un boisseau de vivres pris à l'ennemi équivaut à une vingtaine des siens ; un demi-quintal du fourrage de l'ennemi à dix quintaux du sien.

Le matériel ennemi doit être récupéré et non détruit (il est vrai qu'à l'époque ne se posaient pas les problèmes de compétences technologiques ou d'interopérabilité) :


[...] lorsque dans un combat de chars, plus de dix chars sont capturés, récompensez ceux qui se sont emparés du premier. Remplacez les drapeaux et bannières de l'ennemi par les vôtres, mêlez aux vôtres les chars récupérés, et équipez-les en hommes.

Cependant, attention à l'effet sur la population locale :


Là où se trouve l'armée, les prix sont élevés ; lorsque les prix montent, les richesses du peuple s'épuisent. Lorsque les richesses du pays sont épuisées, les paysans sont pressurés.

Pour cette raison, la durée de la guerre doit être réduite :


Ce qui est essentiel dans la guerre c'est donc la victoire, et non les opérations prolongées.

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lundi 14 juin 2010

Colloque logistique du 29 juin : demandez le programme

Voici ci-dessous le programme du colloque du 29 juin "La logistique, fonction opérationnelle oubliée". L'entrée est libre, mais pour vous inscrire, merci d'envoyer un email à alliancegeostrategique@gmail.com


***


Accueil : 8h15

Introduction par O. Kempf (président de www.alliancegeostrategique.org) (8h30)


*


Matinée : la logistique dans les conflits modernes

Tables rondes animée par Laurent Henninger (chargé d’études à l’IRSEM)

Avant propos : Histoire et logistique (M. G. Lasconjarias, chercheur à l’IRSEM) (8h45)


1ère table ronde : Comprendre la logistique dans les conflits modernes (9h00)


1.1 Les conséquences de la nouvelle nature irrégulière de la guerre : la logistique, nouveau centre de gravité opératif ? (9h00)

M. B. Bihan (doctorant, chercheur au CNRS, membre d’alliancegeostrategique.org) ;.

1.2 La logistique et l’insurrection tamoule (9h15)

M. le CV (ER) H. Eudeline (Centre d’Enseignement Supérieur de la Marine)

1.3 La logistique et l’Irak (9h30)

M. S. Taillat (Doctorant, professeur d’histoire, membre d’alliancegeostrategique.org)

1.4 La logistique et l’Afghanistan : le cas du 1er BCS français à l’exemple britannique des « patrouilles logistiques de combat » (9h45)

LCL Thépenier (chef opérations du 1er BCS Afghanistan, 2008)

1.5 Logistique et UE (10h00)

Mme C. Major (chercheur au German Institute for International and Security Affairs, Berlin)

Échanges avec la salle (10h15)

Cette première partie nous introduit à la seconde : c’est bien compte-tenu de ces évolutions que les armées ont réformé leur outil logistique


2ème table ronde : La logistique moderne : ce qu’on garde, et comment on l’organise (10h45)


2.1 La logistique interarmées : quelles fonctions logistiques ? (10h45)

Colonel Jacquement (EMA, CPCO chef J4)

De « planifier le soutien » à « prendre en compte le soutien dès la planification »

2.2 Soutien courant, soutien opérationnel (11h00)

Commissaire colonel Legendre (EMA, SCA)

Mêmes mots, mêmes moyens mais des organisations différentes selon l’emploi ?

2.3 Logistique terrestre et nouveau format (11h15)

Colonel Guéguen (Armée de Terre, CFT )

2.4 Peut-on et jusqu’où sous traiter le MCO ? (opération, métropole) (11h30)

Général de corps aérien Verhaege, Directeur de la SIMMAD

2.5 Sous-traiter des fonctions périphériques de combat (protection d’infrastructure, entraînement, drones, ) l’exemple de la NAMSA (11h45)

Commissaire - Colonel P. Fesquet (Directeur des achats à la NAMSA)

Échanges avec la salle (12h00)


*


Repas : 12h30 à 13h45


*


Après-midi : la logistique moderne, entre civil et militaire


Table-ronde animée par Christian Malis (directeur de recherche à Saint-Cyr).

La logistique, ce sont également des vecteurs qui deviennent des armements, tandis que d’autres fonctions envisagent une plus grande coopération avec l’industrie, en métropole comme en opération.


3ème table ronde : Logistique et industrie (14h00)


3.1 Acheminement stratégique : programmes ou locations ? (14h00)

Airbus (à confirmer)

3.2 La maîtrise de l’information logistique (14h15)

M. F. Bretaudeau (EADS, « security and logistics »)

3.3 La réforme du MCO (SIMMAD, SIMT, SMITER et SSF) (14h30)

Général de division aérienne Pinault (EMA SLI)

3.4 Du soutien Logistique aux services de soutien (14h45)

M. Laurent Maury, Thalès

3.5 Les programmes en coopération : comment définir un soutien initial en commun ? (15h00)

Ingénieur général de l’armement Dufour (DGA/SMCO)

Mais cette question des liens avec le civil ne saurait se résoudre à cette seule dimension industrielle. Le partage avec le monde « civil » passe par des sociétés, mais aussi des agences publiques ou des organisations privées, avec lesquelles de multiples coopérations s’organisent : derrière les exemples, quelles leçons en tirer ?

Échanges avec la salle (15h15)


4ème table ronde : Quel partage entre logistique militaire et civile ? (15h45)


4.1 La logistique américaine à l'épreuve de l'externalisation : KBR en Irak (15h45)

George Bricet des Vallons (chercheur)

4.2 D’autres fonctions logistiques sous-traitées (soutien de l’homme, transport) : le cas d’EUFOR Tchad (autre exemple : CAPES France) (16h00)

Commissaire général Beyries (directeur général de l’Economat Des Armées )

4.3 PME, logistique et organisations internationales (16h15)

Julien Ayme (GIE Access)

4.4 Partenariats logistiques : quel partage entre public et privé ? (16h30)

Ph.-P. Dornier, (Newton Vaureal Consulting)

Échanges avec la salle (16h45)


*


Conclusion générale (17h30)

Pierre Pascallon, président du club « Participation et progrès »

Fin du colloque : 18h00

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