A la Une

Mon Blog Défense

mercredi 31 mars 2010

Dissolution de l'Union de l'Europe Occidentale

C'était dans l'air depuis quelque temps et notamment le Traité de Lisbonne. C'est désormais officiel : l'Union de l'Europe Occidentale, alliance militaire interétatique fondée en 1954, et son Assemblée, seront dissoutes de façon effective d'ici juin 2011.




Comptant 10 états membres (France, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Grèce, Portugal et Allemagne) et 18 associés/observateurs, également membres de l'OTAN et de l'Union Européenne, elle a pour objectif la coopération en matière de défense. Son assemblée, constituée de représentants (députés, sénateurs) des parlements nationaux, se réunit deux fois par an en session plénière. Elle produit de nombreux rapports (voir son site) assez poussés et ayant un grand atout, leur envergure internationale. Son caractère inter-étatique et non communautaire fait que pour ses détracteurs elle n'est pas représentative de l'Union dans son intégralité. Avec l'OTAN, mais également la reprise en main de prérogatives de défense par l'UE, elle ne paraît plus adaptée à l'architecture européenne de défense.

Son budget de fonctionnement, 13 millions d'euros annuels, est également mis en avant comme un fardeau non justifié, notamment par les Britanniques, qui en versent 2 millions. C'est combien déjà, le coût d'un déménagement du Parlement Européen de Strasbourg à Bruxelles ?

La PSDC reste une affaire éminemment inter-étatique, car s'il y a bien un sujet sur lequel la compétence reste nationale, c'est bien la défense. Le Traité de Lisbonne prévoit une plus grande implication des parlementaires nationaux (voir notamment l'article publié sur AGS par Giacomo Santini, sénateur italien et membre de l'AUEO, Parliamentary scrutiny of CDSP: Leasbon Treaty still open to interpretation) sur ces problématiques, qui nécessitent de vraies connaissances sur l'institution militaire, l'industrie de défense, les relations internationales, le renseignement, des sujets connexes comme l'énergie, les matières premières, le climat, les hautes technologies...mais ne dit pas comment. Et il va falloir trouver comment les mobiliser de façon efficace, les spécialistes qui se nichent dans les Sénats et Assemblées Nationales des états-membres. Sur ce sujet, le débat n'est pas tranché, entre ceux qui souhaitent que le Parlement Européen soit la matrice de l'intégration aux discussions des parlementaires nationaux, et ceux qui estiment que la PSDC doit rester une affaire strictement inter-gouvernementale, refusant de voir étendus les pouvoirs de Strasbourg/Bruxelles.

Bref, il reste du pain sur la planche avant d'avoir "liquidé" de façon fluide l'acquis de l'UEO, et les quatorze mois qui nous séparent de juin 2011 ne seront pas de trop.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

Obama peut-il vendre la guerre d'Afghanistan à l'opinion publique européenne ?

Selon un document mis en ligne par le site Wikileaks, la CIA préconiserait une opération d'influence auprès des populations française et allemande dans le but d'assurer leur soutien en faveur de la guerre d'Afghanistan.


Partant du constat que la chute du gouvernement néerlandais a démontré la faiblesse du soutien des populations européennes en faveur de l'engagement de l'ISAF, le rapport préconise une action de communication offensive s'appuyant sur
  • la popularité du président Obama en Europe de l'Ouest
  • la préoccupation des Français pour le sort des réfugiés et des civils
  • celle des Allemands pour le coût perçu des opérations et leur incompréhension de l'intérêt de ces dernières pour leur pays
C'est à lire sur Wikileaks : CIA report into shoring up Afghan war support in Western Europe, et bientôt sur nos petits écrans et dans nos journaux ?

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mardi 30 mars 2010

[Le blog de la semaine] : Ultima Ratio

Cette semaine, je signale, à la suite d'autres membres d'AGS (voir ici et ), l'arrivée au sein de la blogosphère francophone de défense et sécurité du blog collectif Ultima Ratio. Animé par des chercheurs et des anciens de l'IFRI (actuellement au nombre de huit), il a pour objectif annoncé de faire partager leurs réflexions sur ce thème assez large.


Partant du postulat que la blogosphère française en la matière est relativement réduite, ils rendent tout de même hommage à l'Alliance Géostratégique dans leur billet inaugural. Etant donné leur pedigree, et sachant que leur modèle avoué est Kings of War, on est en droit d'attendre du contenu régulier et de qualité.

Bienvenue donc à eux, et longue vie à la blogosphère francophone de défense !

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

lundi 29 mars 2010

Café des idées de l'Observatoire Français des Think tanks - quelques réflexions sur le blogging

J'étais ce jeudi 25 mars au premier Café des idées de l'Observatoire Français des Think Tanks consacré aux blogs et à leur influence, avec pour invités Jean-Paul Brighelli [JPB] (Bonnet d'âne), Christophe Grébert [CG] (Mon Puteaux) et Frédéric Lemaître [FL] (L'éco buissonnière).

Loin de moi l'envie d'en faire un compte-rendu, mais j'ai souhaité retranscrire quelques citations captées en vol :
  • Le blog serait le "dernier lieu où on peut se battre en duel" (JPB), nécessaire car le débat d'idées ne peut se faire sans prise de risque. Si je suis réservé sur l'aspect duel, je suis tout à fait d'accord sur l'importance de la pensée unique et de la simple répétition d'idées communément admises. Le blog offre la possbilité de tester "gratuitement" des opinions ou des constructions mentales, alors autant ne pas se priver...même si pour moi la polémique n'est pas un but en elle-même.
  • "Certains ouvrent des blogs pour occuper l'espace, sans volonté de partage" (JPB). On ne peut pas reprocher à quelqu'un d'ouvrir un blog pour partager ses idées. Mais ce qui est en cause ici, c'est plutôt le fait d'ouvrir un blog à des fins de diffusion d'une sorte de bruit, en faisant semblant de participer à un débat alors qu'ils émettent à sens unique. Pour tous ceux qui veulent échanger, la mise en réseau et l'ouverture sont capitales. La circulation d'idées se fait de blog à blog par la magie des rétroliens, permettant ainsi la multiplication des audiences. Je me demande par ailleurs si par rapport à d'autres médias grand public, la différence entre audience et influence n'est pas spécifique pour les blogs. Ne serait-ce que par la conjonction de l'aspect communautaire et de l'effet des rétroliens. Alors bien sûr, je parle ici d'influence dans le microcosme de la blogosphère, quant à l'opinion ou aux décideurs, c'est autre chose...attendons l'avènement au pouvoir de la Génération Y.
  • Concernant justement cette influence, les invités ont émis deux idées : la première part du constat que globalement, l'audience de la plupart des blogs est "très limitée par rapport à d'autres médias" (FL). Il est vrai que quelques (dizaines de) milliers de pages vues chaque mois, c'est peu face aux principaux sites d'information, à la TV voire aux journaux et magazines papier. Par ailleurs, il apparaît que très peu de blogs sont devenus réellement influents (hors du microcosme s'entend) de façon intrinsèque : souvent, c'est leur auteur qui est déjà célèbre avant leur création. La seconde est que finalement, les blogueurs sentent souvent que le blog est une première étape, un tremplin, mais que la concrétisation d'une influence naissante doit se faire dans le monde réel : rencontres, associations, publications papier... Juste une remarque : il est vrai que pour le moment peu d'articles de blogs sont considérés comme des "documents de référence". Ceci est pour partie lié la primauté toujours prégnante du livre, encore le principal réceptacle de la majorité des idées des gens influents
  • La forme qu'il offre est un "intermédiaire entre l'oral pur et l'écrit", et un "espace de digestion de l'immédiateté" (JPB), en réponse à une question sur la contradiction apparente entre la nécessaire maturation des idées requise par l'écriture et la forme du blog, censé être alimenté au quotidien, assez rapidement, de façon très réactive... je ne partage pas complètement ce paradoxe, dans le sens où quand on écrit, on le fait quand même avec des idées qui ont pu avoir le temps de mûrir en amont. Sans oublier le syndrôme "j'ai mis six mois à écrire cet article en vingt minutes". Et puis on peut toujours revenir sur un article pour le compléter, l'amender, le corriger au cours du temps...plus difficile à faire sur d'autres supports médiatiques
  • "Un blog sans commentaires perd la moitié de son intérêt" (CG), mais "l'anonymat pose un problème" [FL]. Si je suis d'accord avec la première affirmation (après tout, le participatif est l'essence du 2.0), je suis, quant à mon propre blog, plus réservé sur la seconde. Et pas seulement parce que je suis moi-même anonyme. Relativement épargné par tout ce qui touche aux attaques personnelles et autres remarques stériles, je suis principalement intéressé par le fond des sujets, qui peut tout à fait être apporté par un lecteur anonyme. Même si fatalement, l'échange n'est pas ainsi facilité.
Au final, des échanges intéressants, même si à mon sens leur adéquation à la réalité dépend énormément du thème du blog et de la personnalité du blogueur. Le mot finalement pour CG : "faites un bog pour vous faire plaisir".

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

vendredi 26 mars 2010

La frappe préemptive française et la réponse immédiate américaine, par Thibault Lamidel

Thibault Lamidel nous livre ici quelques réfléxions sur la dissuasion nucléaire océanique de part et d'autre de l'Atlantique, autour des notions de frappe préemptive et de frappe préventive. Bien entendu, ses propos n'engagent que lui.

*

L’action de l’Administration Obama pour la « dénucléarisation du monde » va commencer à produire ses premiers effets. Le président américain devrait annoncer une nouvelle doctrine nucléaire et, plus qu’une baisse impressionnante de l’arsenal américain (toujours dans le cadre d’un accord START on espère), un remodelage complet de la dissuasion nucléaire étasunienne. Ainsi c’est une véritable transformation de la dissuasion qui pourrait s’opérer avec le retrait des bombes nucléaires tactiques en Europe par exemple et la fin des armes nucléaires anti-bunker (mini-nuke). En lieu et place le choix serait fait de continuer dans la voie de la « réponse immédiate ». Comprenez, des SNLE de classe Ohio qui verraient leurs missiles dotés d’une charge conventionnelle et pouvant frapper n’importe quel point du globe (ou presque) en moins d’une heure avec une précision accrue. Une première opération de ce genre a déjà eu lieu, avec la reconversion de quatre Ohio en « SSGN » (Ships Submersible Guides missiles Nuclear power ou sous-marin croiseur lance-missile). Ces derniers disposent en lieu et place de leur missiles Trident de 154 Tomahawk et d’installations pour commandos.
Et la France me direz-vous ? La Royale ne dispose pas de l’occasion de reconvertir des SNLE comme on pu le faire les Etats-Unis. Les quatre SNLE-NG sont strictement nécessaires pour leur mission de dissuasion. Et les navires de l’ancienne classe ont peu de potentiel à reprendre du service. De plus, la Marine a encore moins de crédit budgétaire pour se doter de croiseurs sous-marins lance-missile (semblables aux Oscar russes).


Par contre, un discours de l'ancien Président Jacques Chirac à l’Ile longue en 2006 avait laissé entrevoir une possibilité de développer une capacité adaptée face à la réponse immédiate américaine.


Une action anti-tir nucléaire par « réponse immédiate » ?


Quatre SNLE américains de la classe Ohio ont fini d’être transformés en SSGN en 2006 (Ohio et Florida) et 2007 (Michigan et Georgia). Ils sont équipés d’installations pour 66 commandos et de… 154 Tomahawk. Ce qui est un arsenal dissuasif. Il était question depuis la refonte des ces navires d’en commander quatre supplémentaires, qui seraient ainsi transformés dans le cadre de la « réponse immédiate ». Ils garderaient leurs missiles balistiques (la classe Ohio possède 24 silos soit autant que le Typhoon russe) mais ces derniers seraient dotés d’une charge classique. Donc on ne serait plus dans le cadre de « croiseur lance-missile sous-marin » mais bien de SNLE à charge conventionnelle. A ne pas confondre. De plus, la précision des missiles passerait de décamétrique à métrique pour effectuer des « frappes chirurgicales » quasiment imparables.
Le SSGN USS Florida
crédits : cryptome.org
Une des cibles potentielles pour la réponse immédiate est la « lutte terroriste » par des frappes contre des sites incriminés. Et aussi les préparatifs d’un tir nucléaire nord-coréen. Il serait donc envisagé, car possible, de frapper un site de tir nord-coréen pour, non pas empêcher le tir, mais interdire toute possibilité de l'effectuer.


On est bien face à un changement dans la dissuasion elle-même puisque l’armement conventionnel atteint un degré tel (ou plutôt, on explore une telle utilisation des moyens conventionnels) qu’il peut faire peser une menace stratégique sur les moyens d’actions de l’état visé. Par la soudaineté, l’imprévisibilité, l’invisibilité et la rapidité de la frappe, c’est une menace nouvelle. Par son caractère conventionnel, c’est un acte militaire. Mais qui garde un caractère exceptionnel par le recours à une arme balistique.


Est-ce que la France peut rejoindre les Etats-Unis dans cette « dissuasion décomplexée » sans forcément avoir recours à de coûteux développements de moyens nouveaux ?
Frappe préemptive et frappe préventive

Une opération préemptive consiste en une action immédiate sur la base de preuves indiquant qu'un ennemi est sur le point de frapper. L'action est donc légitime : la préemption est très proche de la notion de légitime défense autorisée aux États par l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En revanche, une opération préventive implique des actions entreprises pour empêcher une menace future plausible mais hypothétique, c'est-à-dire sans preuve et sans légitimité.


C’est ainsi que le général d’armée de l’air, Hervé Le Riche, alors Major général des armées, définissait la différence entre ces deux thèmes dans une interview au mensuel DSI (rapporté par le blog Secret Défense de Jean-Dominique Merchet : http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2007/10/les-frappes-pre.html).

La frappe préemptive française


Ce 19 janvier 2006, le Président de la République Jacques Chirac prononçait un discours à l’Île longue, la base des SNLE. Notons qu'il ne semble pas avoir été contredit par le nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Les caractéristiques de ce discours sont principalement la réaffirmation que « la dissuasion nucléaire demeure la garantie fondamentale de notre sécurité » et une plus grande flexibilité d’usage de l’arme nucléaire dans des scénarios nouveaux. Matériellement cette inflexion est permise par une répartition différenciée du nombre de têtes nucléaires par missile (M45 et M51).


Lors de ce discours la cible de fond n’était pas vraiment la Corée du Nord, qui n’est pas une grande préoccupation française, la gestion de cette crise étant laissée à la discrétion des États-Unis et du groupe des six d’Asie de l'Est. Non, Jacques Chirac parlait plutôt de l’Iran, le Président usant d’une rhétorique pas si éloignée de celle des « États voyous ». Il fustige le terrorisme commis par des fanatiques tout en reconnaissant que l’arme nucléaire n’est pas destinée à la lutte contre ces derniers. Par contre il adresse de lourdes mises en garde contre les états soutenant ce genre de mouvement. Car ces derniers s’exposent

à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature.


Nous sommes en mesure d'infliger des dommages de toute nature à une puissance majeure qui voudrait s'en prendre à des intérêts que nous jugerions vitaux. Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit. C'est dans ce but, par exemple, que le nombre des têtes nucléaires a été réduit sur certains des missiles de nos sous-marins.


La chose a bien était perçue comme une possibilité de frappe préemptive contre un état touchant aux intérêts vitaux français. Comment pourrait s’illustrer cette frappe préemptive ?


On peut imaginer deux options :

Tir de semonce nucléaire

Ce qui est porté à l’attention du lecteur aujourd’hui est la possibilité de toucher à la capacité à agir. Ce discours s’inscrit bien dans un « certain » rapprochement doctrinal avec la pensée américaine (dans le sens de l’action préventive, cela rappellera les débats sur le nucléaire tactique). Le Président ne l’a pas dit mais on ne peut s’empêcher de penser à, par exemple, un tir nucléaire atmosphérique au-dessus d’un champ de tir de missile balistique iranien. De sorte que l’effet d'une telle explosion produise un effet électromagnétique. Les conséquences en sont que toute l’électronique non protégée contre cette impulsion électromagnétique se retrouve hors-service. Ainsi, l’explosion pourrait rendre inopérant l’arsenal balistique ennemi : sa capacité à agir.
La frappe préemptive

Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi". Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en œuvre nos armes nucléaires. La menace crédible de leur utilisation pèse en permanence sur des dirigeants animés d'intentions hostiles à notre égard. Elle est essentielle pour les ramener à la raison, pour leur faire prendre conscience du coût démesuré qu'auraient leurs actes, pour eux-mêmes et pour leurs États. Par ailleurs, nous nous réservons toujours, cela va de soi, le droit d'utiliser un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux.

Toute la puissance de la dissuasion reste, et restera sûrement, le doute induit. On a évoqué un tir de semonce aux allures tactiques et presque indolore. C’est paradoxal ainsi énoncé. Mais rien n’indique qu’une frappe directe contre un site de tir est écartée. Tout comme dans notre propre hypothèse, si la capacité à agir visée est protégée des impulsions électromagnétiques, il ne reste plus que la frappe directe… C’est bien « un ultime avertissement pour marquer notre détermination à protéger nos intérêts vitaux », ou la dernière sommation.

Tir de semonce, frappe préemptive, réponse immédiate : une action défensive selon… Mahan

Si l’on reprend l’image du blocus naval selon le stratège naval américain alors l’utilisation proposée de l’arsenal stratégique français et américain reste une action purement défensive, malgré l’importance de l’engagement. Pour résumer rapidement Mahan, un blocus naval est défensif s’il consiste à bloquer la flotte militaire ennemie dans son port. En bloquer l’accès au commerce maritime est une action offensive en ce sens où l’on porte atteinte à l’économie de l’adversaire donc à ses forces.


Ainsi les armes nucléaires stratégiques restent défensives puisqu’elles ne visent qu’à priver l’adversaire de sa capacité à agir en touchant son arsenal même tout en évitant ou en tentant d’éviter à toucher à autre chose.

Une contradiction avec la défense anti-missile pour conclure ?

Quel que soit le moyen d’action que nous avons cherché à illustrer, il y a un point commun. C’est la volonté contre un État proliférant de détruire préemptivement sa capacité de tir avant qu’il ne la mette en œuvre. Ce qui est un fléchissement par rapport à la défense anti-missile balistique où l’on cherche à arrêter l’attaque ennemi une fois lancée. C’est véritablement une posture différente, en partie d'ordre psychologique. Là où la proposition américaine d’opérer un bouclier pourrait dédramatiser le feu nucléaire en cherchant à en éviter les conséquences néfastes, la France pourrait rappeler la capacité réelle de ces armes et le fait que l’on ne joue pas avec ce genre de menace. La ligne jaune ne serait pas pour la France un missile passant entre les mailles d’un filet anti-missile. Mais bien la volonté d’utiliser l’arme nucléaire qui serait réprimée par le feu.

Enfin, les deux capacités américaines ne sont pas forcément exclusive l’une de l’autre. La réponse immédiate pourrait être la première partie du bouclier (il n’y a pas de meilleure défense que l’attaque) tandis que le bouclier serait présent pour tenter d’arrêter les tirs réussis.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mercredi 24 mars 2010

50 idées reçues sur l'état du monde, de Pascal Boniface


Je viens d'achever la lecture de 50 idées reçues sur l'état du monde de Pascal Boniface, et je dois avouer que je suis resté un peu sur ma faim. L'idée générale (passer au crible une sélection de ces idées communément répandues dans les esprits et les médias) est excellente, le choix des "idées reçues" plutôt judicieux, équilibré et large (par exemple : "La puissance militaire n'est plus utile", "La France ne compte plus à l'échelle internationale", "Nous subissons une prolifération nucléaire", "Le choc des civilisations est inévitable", "Les démocraties ne font pas la guerre", "Le terrorisme est d'essence religieuse", "La démocratie peut se construire de l'extérieur", "Il n'y a pas de valeurs universelles", "La realpolitik est amorale", "Les valeurs occidentales sont universelles", "Comprendre le terrorisme, c'est le légitimer", "Le terrorisme est la principales menace"...), la présentation astucieuse : pour chaque chapitre, énoncé de l'idée reçue, des raisons de celles-ci en quelques lignes puis développement de "l'autre face du décor". Cependant, c'est le niveau de détail qui fait que ce livre laissera un goût d'inachevé à ceux qui ont déjà quelques connaissances en relations internationales : chaque fiche fait 2 pages grand maximum.
En effet, et c'est sans doute la règle du jeu qu'il s'est fixée, Pascal Boniface ne pousse aucun raisonnement, ne prétend pas à l'exhaustivité (ainsi par exemple "Les Etats-Unis sont en déclin" est trop focalisé sur l'Irak à mon goût) et simplifie à l'extrême (comme quand il assimile terrorisme au sein des populations et tyrannicide). Il se contente donc, la plupart du temps, de donner des pistes de réflexion pour montrer que la réalité est souvent plus complexe qu'un aphorisme de quelques mots. Par contre, ce qu'il en ressort également, c'est qu'une idée reçue n'est pas nécessairement fausse, mais plutôt qu'il est néfaste d'adopter une vision du monde binaire ("tour noir ou tout blanc") voire manichéenne.
En conclusion, un petit livre en forme de catalogue pouvant se feuilleter dans n'importe quel ordre, au gré de l'humeur, qui peut servir de base à une réflexion, un débat...mais à réserver plutôt à ceux qui souhaitent s'initier aux RI, au-delà des messages que les mainstream media peuvent relayer.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

lundi 22 mars 2010

Un autre avis turc sur la Turquie à lire sur AGS

Je poursuis mes interviews dans le cadre du thème du mois de l'Alliance Géostratégique consacré à la Turquie. Aujourd'hui, c'est Kadri Renda, doctorant au King's College de Londres (thème de recherche : "The Influence of the EU on Turkish Security Culture") qui répond à mes questions.

C'est à lire, en anglais, sur le site de l'Alliance : "Turkey-EU relations floundering in confusion: is Turkish membership a chimera or reality?".


Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

samedi 20 mars 2010

Dissuasion nucléaire franco-britannique ?

Ainsi donc, la France et le Royaume-Uni discuteraient, à l'initiative de la première, d'une coopération dans le domaine de leur force de dissuasion nucléaire océanique. Les échanges porteraient sur un plan de dissuasion commun, qui pour rappel s'appuie sur des patrouilles de SNLE autour du globe, pratique très coûteuse. Cependant, cela achopperait sur des questions, bien naturelles, de souveraineté, notamment côté britannique. On peut cependant noter que nos amis d'outre-Manche sont parfois moins tatillons question indépendance stratégique quand il s'agit de nos autres amis d'outre-Atlantique. On se rappelle également de l'épisode du PA 2, programme inabouti de porte-avions commun à la France et au Royaume-Uni.

Bref, cela me fait penser aux quelques articles écrits sur ce même blog par Thibault Lamidel, et qui touchent aussi à une coopération franco-britannique autour du domaine naval :
En tout cas, l'idée de la mise en commun de la force de dissuasion nucléaire entre plusieurs pays (voire...au niveau d'une Union ?) est à suivre...et pose des questions intéressantes, ne serait-ce qu'en termes de processus de décision du recours au feu nucléaire...

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

vendredi 19 mars 2010

Interview des Jeunes Européens France autour de la Turquie

La rue Ledra à Nicosie, longtemps symbole de la division de Chypre

Toujours dans le cadre du thème du mois de l'Alliance Géostratégique, à savoir la Turquie, j'ai recueilli l'avis des Jeunes Européens France, qui par la voix de leur responsable de la communication, Aymeric Chassaing, ont accepté de répondre à quelques questions, très similaires à celles posées lors des interviews de Menekse Tokyay ("L'Islam peut aussi s'approprier le projet européen") ou d'Ekavi Athanassopoulou (“The crux of the issue is Turkey’s size and enormous potential”).

C'est bien sûr à lire sur AGS : Candidature turque: “L’Europe doit maintenant affirmer son ambition”.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mercredi 17 mars 2010

Quand les héros de BD s'engagent (ou sont enrôlés) dans l'armée

Un petit article à lire sur les héros de BD et l'enrôlement : Devenezvousmême.BD, de Laureline Karaboudjan.


Alors que la campagne de recrutement de l'armée de terre française bat son plein, le billet revient sur les Asterix, Tuniques Bleues et autres personnages de Tardi qui, de leur propre volonté ou contre leur gré, s'engagent dans une carrière militaire.


Aux exemples donnés, j'ajouterais comme ça La ligne de front de Manu Larcenet, qui suit les aventures (rocambolesques) de Vincent van Gogh (!) dans les tranchées, ou même Adieu Brindavoine et La Fleur au fusil de Tardi déjà cité plus haut.


Dans un autre registre, je citerais également Bouche du diable de Charyn et Boucq ainsi qu'Ibicus de Rabaté


Il est indiqué dans l'article que l'alcool est "le meilleur ami du recruteur" (exemple du recrutement de Blutch et Chesterfield durant la Guerre de Secession américaine). Ceci n'est évidemment plus vrai aujourd'hui, mais ça rappelle les pratiques de la marine britannique décrites notamment par Oliver Goldsmith dans son The Citizen of the world.



Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

lundi 15 mars 2010

De la surprise stratégique en citations (partie 2)

Encore quelques citations tirés de Res Militaris de Michel Goya, qui illustrent le fait que la surprise, c'est précisément sa définition, vient de là où on ne l'attend pas, voire d'où on ne veut pas la voir, entre dénégation et déni.

Là encore, je vous laisse deviner (pas trop dur pour certaines) les auteurs et contextes...


*
La paix est prévue par la sociologie depuis vingt-cinq ans... Aujourd'hui encore, elle la prévoit pour tout l'avenir de notre transition, au bout de laquelle une Confédération républicaine ayant uni l'Occident, il n'y aura plus lieu à aucun conflit les armes à la main
*
L'armée prussienne est une armée essentiellement défensive
*
Une attaque japonaise sur Pearl Harbor est une impossibilité stratégique
*
Ce que je sais bien, c'est que les Allemands ne nous déclareront pas la guerre. Ce ne sont pas des idiots. Ils ne sont pas fous. Je vous le dis, ils ne nous feront pas la guerre
*

Et à votre avis, si un spécialiste d'histoire militaire de l'an 2050 devait mettre à jour cette liste, il y ajouterait quelles petites phrases de ce début de XXIème siècle ?

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

vendredi 12 mars 2010

Géographie française ludique

Parce qu'aujourd'hui je pars en vacances, voici un petit billet sur un jeu en ligne ludo-éducatif, qui vous rappellera vos cours de géographie du lycée : Villes de France.


Il s'agit tout simplement de pointer le plus rapidement et précisément possible différentes villes sur une carte de France. Bien sûr, les Nice, Brest, Paris ou autres Nantes ne posent pas trop de difficulté. Mais les Fabrègues, Malicorne, Valognes ou autres Embrun, pour des non-spécialistes, c'est déjà plus coton...

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mercredi 10 mars 2010

Turquie et Union Européenne : interview d'Ekavi Athanassopoulou à lire sur AGS

Après Menekse Tokyay la semaine dernière ("L'Islam peut aussi s'approprier le projet européen"), j'ai recueilli l'avis d'Ekavi Athanassopoulou, professeur de relations internationales à l'Université d'Athènes et chercheuse à l'ELIAMEP (Hellenic Foundation for European and Foreign Policy), sur la Turquie et sa candidature à l'Union Européenne. Il m'a en effet semblant d'avoir un point de vue grec de ce sujet, ne serait-ce qu'en raison de l'histoire commune particulière des deux pays.


A lire, bien évidemment, sur le site de l'Alliance Géostratégique (article en anglais) : "The crux of the issue is Turkey's size and enormous potential".

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

lundi 8 mars 2010

Wikio : Alliance Géostratégique vers les sommets ?

L'Alliance Géostratégique s'affirme comme le premier des blogs de géopolitique/sécurité/défense du classement mensuel de Wikio, puisque pour le mois de mars elle monte à la 434ème place au général (sur un total annoncé de plus de 358 000 blogs recensés) et à une très belle 91ème place dans la catégorie "Divers".

La progression est encore possible si, comme je l'espère, nous arrivons à maintenir la qualité et la fréquence sur la durée, même si c'est extrêmement difficile quand le blogging n'est qu'une activité annexe fac aux obligations professionnelles et personnelles. Bien sûr, la visibilité ne pourrait que profiter de la création d'un classement spécifique à la géopolitique, comme je l'ai déjà demandé à Wikio :
En ce qui concerne mon propre blog, il se maintient à peu près au classement général (1698ème alors qu'il était 1689ème en février), mais progresse sensiblement dans la catégorie "Divers" (410ème contre 700ème en février).

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

dimanche 7 mars 2010

De la surprise stratégique en citations (partie 1)

Issues du chapitre "La surprise stratégique est-elle encore possible ?" de l'excellent dernier ouvrage de Michel Goya, Res Militaris (j'y reviendrai prochainement), voici quelques citations qui a posteriori peuvent prêter à sourire (ou rire jaune).

Je vous laisse deviner leurs auteurs, dates et contextes...


*
Les armes sont si perfectionnées qu'un nouveau progrès [militaire] d'influence radicale n'est plus possible

*
La guerre de l'avenir verra se produire de très grandes charges de cavalerie

*
Croyez-moi, l'Allemagne est incapable de faire la guerre

*
Je veux bien qu'on m'appelle Meier si jamais un avion allié arrive à bombarder Berlin

*
L'idée que les Arabes puissent franchir le Canal de Suez est une insulte à l'intelligence

*
Comme quoi, l'appréciation d'un contexte stratégique et l'anticipation des menaces ne sont pas si faciles...

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

vendredi 5 mars 2010

"L’Islam peut aussi s’approprier le projet européen", interview de Menekse Tokyay autour de la Turquie

A l'occasion du thème du mois de l'Alliance Géostratégique consacré à la Turquie, j'ai recueilli l'avis de différentes personnes sur les relations entre ce pays et l'Union Européenne, notamment dans la perspective de son adhésion. Menekşe Tokyay, doctorante à l'Institut de l'Union Européenne de l'Université de Marmara ouvre aujourd'hui le bal.

Et c'est bien sûr sur le site de l'Alliance Géostratégique que ça se passe : "L’Islam peut aussi s’approprier le projet européen", interview de Menekse Tokyay autour de la Turquie.


Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mercredi 3 mars 2010

La Turquie, thème du mois de l'Alliance Géostratégique

Ainsi donc le thème de l'Alliance Géostratégique pour ce mois de mars est la Turquie. Pays de 72 millions d'habitants, au carrefour de l'Europe et de l'Asie, des mondes historiquement chrétien et musulman, frontalier de l'Irak et de l'Iran, héritier (d'une partie de) l'Empire Ottoman, ancien "Homme malade de l'Europe", marqué par le Kémalisme, l'influence des généraux, plus récemment par le PKK ou l'AKP, membre de l'OTAN, elle est nécessairement un sujet de choix dans le domaine géopolitique.



Sa candidature à l'Union Européenne est bien sûr une problématique cruciale, de par les questions qu'elle soulève sur les frontières de l'Europe, son identité culturelle, sa cohésion, son projet, sa présence internationale... Instrumentalisée par les uns et les autres, elle est au coeur de manoeuvres de politique politicienne à destination des électorats nationaux, particulièrement en France et en Allemagne. Pour ma part, j'ai souhaité ce mois-ci recueillir l'avis de diverses parties prenantes, particulièrement turques, qui s'intéressent de près à la question : état des lieux du dossier de candidature, principaux obstacles en Europe et en Turquie, conflit chypriote et relations avec la Grèce, opinion publique, impacts sur la gouvernance de l'UE et la PESD...

A suivre donc, tout au long du mois...

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

lundi 1 mars 2010

"Du Rafale N au Harrier sur BPC ?" par Thibault Lamidel

Nous nous sommes déjà fait l’écho (Rafale Marine Biplace, JSF et collision) de « l’intérêt » opportuniste manifesté par les Britanniques à propos du Rafale. Nous avons même tenté de montrer qu’une renaissance du Rafale N n’était pas à exclure si on prenait nos voisins d’outre-Manche au mot (et donc faire semblant de ne pas voir que le partenariat français est le pion modérateur des échanges « diplomatiques » sur le programme JSF entre États-Unis et Royaume-Uni).

Un Rafale marine

crédits : mer et marine

Dans un autre article (UCAV et aéronavale) nous abordions l’intérêt de diffuser la puissance aérienne via des porte-aéronefs. Nous reprenions ainsi à notre compte la demande de l’amiral américain Zumwalt des années 70 de ne pas compter uniquement sur des porte-avions lourds. Et dans le cas de la France, de développer le potentiel des BPC via des drones embarqués pour tenter de mettre en oeuvre ses idées en prenant comme cadre une opération amphibie.

Dans un commentaire laissé par un anonyme sur « Rafale et aéronavale britannique », une personne montre l’intérêt de parler coopération autour du Harrier et d’observer le renouveau actuel de l’Entente Cordiale.


Un partenariat de nouveau en pleine expansion

Notre confrère le Mamouth fait connaître l’imminence du comité interministeriel sur les drones : en avril peut-être, avant l’été sûrement. Il recense les trois solutions existantes pour le développement de capacités intérimaires : américaine avec le Predator, israélienne avec le Héron et anglaise avec le Mantis. Cette dernière ayant l’avantage d’associer un industriel hexagonal de référence, Dassault, avec un industriel « transmanche », Thales. C’est une nouvelle possibilité qui apparaît dans le renouveau franco-britannique après les déclarations faites sur un développement conjoint de l’aéronavale ainsi que les appels à un approfondissement des partenariats.

On semblerait presque être revenu dans les années 60-70 avec les programmes Lynx, Puma, Jaguar… ou Concorde. D’ailleurs, à cette époque, il est bien connu que le Jaguar « M » a été testé sur porte-avions français, mais il est moins souvent évoqué le fait que le Harrier ait servi aux mêmes offices…


Diffusion de la puissance aérienne sur mer


Dans notre tentative d’étude sur un drone embarqué (UCAV) nous nous basions sur une hypothèse pleine et entière. C’est-à-dire un recadrage du programme nEUROn vers des capacités air-air et

la capacité d’apponter sur navire. Et ce, sans oublier de le développer dans l’optique d’une intégration sur BPC. Beaucoup d’incertitude et aucune volonté politique face un défi industriel de taille.

Dessin d'artiste de Rafale et nEUROn
crédit inconnu

Dans cet article on prenait le parti de plaider pour une meilleure diffusion de la puissance aérienne sur mer en multipliant le nombre de plates-formes via les BPC. On évitera de se mentir en disant qu’un drone ou tout autre appareil embarqué dans un « mode décollage et atterrissage court » (ADAC) se fait sur un compromis. Face à cette faculté avantageuse on se doit de concéder pour sa mise en œuvre un sacrifice non négligeable sur les capacités de l’appareil en vitesse, en emport de d’armes et en rayon d’action. Un Harrier ou un F-35B auront des caractéristiques déficitaires sur ces points face au Rafale et au F-18.


Un nouvel Harrier, et pourquoi pas ?


Dans ce contexte, reprendre le développement d’un « Harrier III » sera plus à la portée des gouvernants britanniques et français. C’est un programme techniquement faisable. Il s’agirait d’intégrer les dernières évolutions en science des matériaux pour alléger l’appareil à vide (et gagner sur son potentiel d’action) ainsi que de faire évoluer son système d’armes et sa motorisation (le moindre gain est bénéfique). Il faut rappeler que la bête a initialement été développée par les Anglais, puis fut revue et corrigée en collaboration avec les Américains. C’est dire si le programme serait presque par tradition une vertu de la coopération.


Un Harrier GR9 de la RAF

crédits : MoD

Le nouvel appareil pourrait mettre à profit d’autres programmes existants (Rafale et Eurofighter) pour récolter des « pièces » de manière à diminuer son coût. Et de même optimiser la logistique de ses composants. C’est l’idée du développement du F-16 : tenter de réduire les coûts en se fournissant sur étagère. Ce dernier avait su tirer quelques avantages d’une telle philosophie à l’export … Une philosophie reprise par le programme nEUROn : récolter les compétences existantes pour établir un démonstrateur.

Enfin, il serait bon de privilégier un cadre bi-national ou étendu le plus restreint possible, les structures des programmes Eurofighter, NH90 et A400M n’ayant pas donné satisfaction. D’autant plus qu’une étude systématique des surcoûts constatés n’a pas était faite publiquement. Enfin, comme le signale notre lecteur, il serait bon que ce programme se fasse hors cadre OTAN (les programmes otaniens ont toujours eu comme résultante d’acheter américain, le FIAT GR91 en témoignera). Et encore mieux comme le rappelle notre lecteur encore une fois : « en tenant "en laisse" les industriels (Dassault, BAE Systems...): Sinon, c'est inutile de perdre son temps!!! ». On aura en mémoire le « professionnalisme » des cadres d’EADS dans la conduite de l’A400M (des délits d’initiés suspectés aux déboires de l’avion).

Intérêt indéniable pour les Européens

Dans le cadre d’un programme JSF déficient qui pourrait voir sa version « Harrier » être justement supprimée, la France et l’Angleterre pourraient investir un créneau plus que porteur. Ce serait la seule alternative assez crédible. Le Sea Gripen et l’Eurofighter N le sont moins à nos yeux car la Suède n’a jamais développé d’appareil embarqué et le second est critiqué pour sa fragilité structurelle dans une telle configuration. Il faudrait donc équiper les 4 BPC français, les 2 porte-aéronefs espagnols et les 2 navires italiens. Sans oublier le dilemme anglais : le choix fait avec leur porte-avions était adapté à un avion ADAC. Les difficultés du JSF feraient (conditionnel) qu’il serait envisagé de passer à une version CATOBAR (moyennant 1 milliard de livres de modifications). Les sujets de Sa Gracieuse Majesté sont-ils donc des girouettes ? La question difficile est de savoir s’il est possible de négocier et le Rafale et le Harrier III.

Il faut voir aussi que ce serait une cible de « 120 » appareils dont il serait possible de modérer largement le coût face à celui du JSF. Ce programme pourrait être présenté comme un pas franchi dans la constitution d’une Europe de la défense et dans la maîtrise des coûts.


Un intérêt indéniable dans la mêlée de l’export


Dans le contexte plus précis d’une collaboration franco-britannique, un nouvel Harrier ne signifierait donc pas obligatoirement une coopération sur le Rafale marine. Ce ne serait pas non plus un chasseur européen « seul à l’export pour les porte-aéronefs ». Pour équiper ce type de navire ne faisant pas appel à des catapultes (à l’image des navires indiens), il existe une concurrence qui s’est accrue avec l’annonce de la possibilité de développement du Sea Gripen et de l’Eurofighter N via la poussée vectorielle (le Rafale pourrait en faire autant à ce train là…). Il faut aussi compter sur le Mig-29K qui a remporté une nouvelle commande en Inde. Mais un Harrier III serait plus crédible grâce à l’image véhiculée par la réussite de l’appareil jusqu’ici (il équipe déjà la marine indienne).


Une petite conclusion


Notre lecteur a peut être pointé du doigt la nouvelle tendance lourde en Europe. Après les programmes des années 60-70, les sommets de Saint-Malo, ce serait le retour du partenariat franco-britannique. Dans les drones, un programme Harrier III ou de nouveaux projets dans les hélicoptères (le Super Lynx peut être mais l’EH101 serait peut être contradictoire avec le NH90 et le futur programme HTH dont nous reparlerons), voire un développement aéronaval commun, les possibilités sont grandes. De telles avancées restent conditionnées à une volonté politique forte. Et il faudra attendre les élections législatives en Grande-Bretagne et les choix faits par le nouveau gouvernement via un White Paper sur la défense. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé entre les rives de la Manche et il faudra suivre les discussions entre industriels et militaires pour tenter de voir dans quelle direction souffle le vent.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine