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vendredi 27 novembre 2009

Un ouvrage sur le soft power chinois

Hasard ou coïncidence, j'ai lu Chine, la grande séduction de Barthélémy Courmont (Choiseul, 2009), juste après avoir écrit un petit billet sur l'enseignement du chinois et sa progression dans le monde entier.


Sous-titré "Essai sur le soft power chinois", il revient sur la véritable stratégie mise en oeuvre ces dernières années par l'Empire du Milieu afin d'accroître son influence au niveaux régional (Asie du Sud-Est) et mondial (Afrique, Moyen-Orient, Amérique Latine) tout en douceur et en restant en façade extrêmement "humble", se posant comme le chantre d'un "monde harmonieux". Car la Chine, des Jeux de Beijing à la prochaine Exposition Universelle de Shanghai en 2010, souhaite promouvoir son image et montrer qu'elle a tout d'une grande, tout en refusant le statut de superpuissance, prenant grand soin à se situer parmi les pays émergents.

Certes, il y a beaucoup moins d'exemples et le propos est moins développé que dans le précédent opus de Barthélémy Courmont que j'ai lu, Les guerres asymétriques, mais l'ouvrage (un essai, et non une encyclopédie) offre néanmoins un bon panorama des différents axes du soft power made in China, de la promotion de sa culture ou de sa langue à l'aide au développement, en passant par le nationalisme chinois (y compris voire surtout au sein de la diaspora) et son positionnement voulu d'acteur responsable et raisonnable des relations internationales ; à l'opposé de l'ingérence et de l'interventionnisme réel ou supposé des Occidentaux, et bien sûr en premier lieu des Américains.

Lesquels ont servi d'inspiration à la Chine, qui a disséqué leur approche de la "puissance douce" : positionnement dans les institutions internationales, diffusion des idées et de la culture au travers du cinéma... mais qui a également profité du relatif renoncement au soft power de la période Bush pour s'imposer partout où les USA perdaient en crédibilité et soutien. Les études d'opinion réalisées par le Pew Research Center auprès des populations africaines sont particulièrement éloquentes. D'autant que la Chine, à l'extérieur de ses frontières (voire au-delà de son voisinage immédiat), bénéficie, au contraire des Occidentaux, d'une image non ternie par un passé colonial ou impérialiste.

Où l'on voit que cela procède d'une approche mûrement réfléchie, visant à la fois à sécuriser les approvisionnements en matières premières (notamment le pétrole), à développer de nouveaux débouchés pour les produits manufacturés chinois et à devenir, de façon incrémentale, un leader global. Et ceci, en veillant bien à rester dans un état de "non-guerre"...

Sont également évoqués
  • les limites de ce soft power, ne serait-ce que parce que la Chine s'affirme comme une puissance militaire (cf. l'augmentation, officiellement sous-évaluée, de son budget de défense, mais là aussi la Chine se fait adepte de Sun Zi en maniant l'écran de fumée), économique et commerciale, et qu'elle sait faire usage de contrainte et de coercition, sortant de la seule "séduction" et de la voie douce. Notamment quand il s'agit d'achever Taïwan dans la bataille (guerre ?) de la "diplomatie du chéquier"... ou de "virer" manu militari les grandes entreprises étrangères venues créer des JV avec des sociétés locales
  • les différences de point de vue parmi les dirigeants chinois, certains étant pour une approche plus globale associant également une puissance plus "dure". De quoi parler de smart power (là encore un concept issu des USA) ? Voire de penser que le soft power n'est qu'une pure façade, présentée aux pays du Sud afin de se démarquer franchement de l'Occident ?
  • la question du soutien de la Chine à certains régimes peu recommandables, et l'absence de démocratie sur son territoire... qui vient questionner certains promoteurs du concept même de "soft power", apparu à l'époque de la "fin de l'histoire", alors que la démocratie libérale semblait avoir triomphé. Voir une dictature remporter tant de succès sur le terrain des "valeurs" est une problématique sérieuse...
  • les tensions potentielles ainsi que les réponses possibles des Occidentaux (d'ailleurs j'aurais souhaité quelques développements supplémentaires sur le soft power chinois en Europe, même s'il prend plutôt des allures de sticky power), car il s'agit in fine d'une lutte d'influence à l'échelle planétaire, même si la Chine se défend de promouvoir un modèle spécifique, différent de celui érigé et exporté par les Américains et les Européens.
J'aurais aimé plus de détails sur les aspects liés à la cyberguerre (bien du hard power, bien que numérique), sur la montée en puissances des standards technologiques made in China (et qu'elle compte bien imposer au monde entier), sur les pratiques évoquées plus haut de "concurrence déloyale" vis-à-vis d'entreprises étrangères implantées sur son territoire, et qui se retrouvent pillées voire même condamnées par la justice chinoise...

L'ouvrage se complète assez bien de la lecture de La guerre hors limites (voir les billets consacrés à ce livre sur Pour Convaincre) et de quelques numéros de la revue Monde Chinois, notamment celui relatif à la Puissance Militaire Chinoise, qui permettent d'appréhender de façon globale le versant armé de la montée en régime de Beijing.

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