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mardi 16 juin 2009

Urban Warfare : limites de la technologie (partie 1)

Suite à l'article Urban Warfare : pourquoi les électroniciens de défense (ou non) se frottent les mains, je devais revenir sur les limitations des technologies évoquées en milieu urbain.

Plutôt que de faire une dissertation, je vais en faire une petite série de posts ciblés.

Commençons donc par un point général : la technologie peut faire perdre le sens commun.

Dans la deuxième moitié des années 1990, les Etats-Unis, souhaitant mettre à l'épreuve la RMA, plus spécifiquement dans un milieu urbain (MOUT ou Militarized Operations on Urbanized Terrain), a mis en place un programme d'entraînement appelé Urban Warrior. Comme l'indique le colonel Mark Thiffault, alors porte-parole du de l'US Marine Corps :
"Our enemies, having watched Desert Storm on CNN, know they cannot engage the United States with conventional methods. These potential foes view cities as a way to limit the technological advantages of our military. They know that cities - with their narrow streets, confusing layout and large number of civilian non-combatants - place limits on our technological superiority and especially our use of firepower. We have to develop technologies that allow us to win while minimising collateral damage."
Deux sessions ont eu lieu en 1997 et 1999. Cette dernière, située à Oakland, Californie, a mobilisé plus de 6000 Marines, 5 bâtiments dont le porte-avions USS Hornet, des hovercrafts, des Harrier Jets ainsi que des hélicoptères Cobra, Huey et Sea Stallions. Un des objectifs était de tester l'utilisation de l'informatique et de la mise en réseau sur le terrain pour résoudre un problème déjà ancien et bien connu : les pertes très élevées lors des premiers jours d'un affrontement urbain.

Peu de résultats de l'exercice ont été publiés. Et apparemment pour cause, puisque si officiellement l'efficacité du NCW en est sortie renforcée, la vérité serait toute autre : les pertes "virtuelles" auraient été bien supérieures à ce qui était escompté dans les rangs équipés d'ordinateurs portables. La raison en est assez simple : l'outil informatique, au lieu de permettre de mieux repérer l'ennemi et d'échanger de l'information plus rapidement entre unités, s'est en fait doublement retourné contre ses utilisateurs :
  • peu adapté à une utilisation de terrain, il n'était pas fait pour la saisie rapide, et les messages transmis étaient difficilement compréhensibles à cause de la taille de l'écran, faisant perdre un temps précieux aux soldats
  • la luminosité de l'écran en faisait des cibles plus facilement repérables par l'ennemi
Et bien sûr, derrière tout cela il y avait également le fait que les obstacles urbains nuisent gravement à la santé des réseaux sans fil.

Qu'est-ce que tout cela dit ? Simplement que toute technologie "numérique" n'a pas d'effet magique si elle rend le militaire, qu'il soit simple soldat ou leader, totalement dépendant du "réseau" et lui fait oublier (ou l'empêche de suivre) les tactiques censées être mises en œuvre. D'ailleurs de nombreuses unités en sont vite arrivées lors de l'exercice à l'abandon de leur PC et au retour aux bonnes vieilles méthodes, comme le souligne David Freedman dans son article "Killed at their keyboards".

Et, encore plus simplement, que s'il est important d'avoir des "yeux multiples" grâce à la force du réseau, permettant d'avoir une vision relativement complète du champ de bataille, il est encore plus important de se servir des siens pour voir l'ennemi qui est à 10m de soi...ce qui n'est pas forcément possible quand on est occupé à taper du texte sur un ordinateur. De même, il n'est pas aisé dans cette situation de se servir de son arme efficacement.

Je reviendrai prochainement sur les problématiques liées à la propagation des ondes radios, et donc in fine à la disponibilité du réseau, qui est tout de même au centre du bien nommé concept de NCW. Il est par ailleurs entendu que depuis 1999, la doctrine et les technologies (civiles et militaires) liées au sujet ont évolué. D'ailleurs en partie grâce à des expériences de ce genre, qui ont su mettre en avant le fait que la fonction "recueil et transmission de l'information par et vers le réseau" doit être aux mains de ressources dédiées et qualifiées, ou alors empiéter le moins possible sur le caractère "opérationnel" du soldat.

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1 commentaire:

Frédéric a dit…

Le dernier paragraphe est la logique même :) Mais les batailles urbaines de ce débuts de siècle que la technologie (et le blindage) ont réduit les pertes parmi les assaillants lorsqu'ils se lancent à l'assaut de localités. Gaza, Falloudjah, ect... il y a encore vingts ans, on aurait ajouté un zéro au chiffres des pertes humaines.