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Mon Blog Défense

mardi 21 avril 2009

Real men have fabs

C'est un fait, les entreprises sont à la recherche de coûts de fonctionnement les plus bas possibles, afin d'être concurrentielles, d'augmenter leur marge et in fine de contenter leurs propriétaires. Et quand il s'agit de sociétés industrielles, cela passe souvent par une optimisation de la production, en professionnalisant la fonction achats, en améliorant les processus et bien sûr en relocalisant tout ou partie de leurs usines dans des pays à bas coûts...souvent en externalisant auprès de fournisseurs chinois, indiens, mexicains ou indonésiens.


Aucun secteur n'est épargné, quel que soit son niveau de technicité. On l'a déjà vu ici, les pays émergents incluent de plus en plus dans leurs appels d'offres majeurs des conditions de transferts technologiques. Et de leur côté, les fournisseurs tentés par une approche multidomestique ou plus simplement répondant à un besoin de cost cutting implantent des centres au même endroit que leurs nouveaux concurrents.

On a même vu et on continue de voir des entreprises se dire que finalement elles n'ont pas du tout besoin de conserver la fonction production en interne, et se concentrer sur la conception et la vente. Tout le monde se rappelle du rêve d' "entreprise sans usine" de Serge Tchuruk en 2001. Après tout, si l'objectif est d'optimiser la rentabilité (pour simplifier : bénéfices / capitaux propres), un des moyens peut être effectivement de diminuer le dénominateur de la fraction. On ne reviendra pas sur la situation actuelle d'Alcatel...

D'ailleurs cette expression n'était en fait qu'une traduction d'un concept venant des Etats-Unis et plus précisément de l'industrie des semi-conducteurs. On parle depuis les années 80 d'entreprise fabless (i.e. sans fabrication plant) pour désigner les sociétés qui sous-traitent totalement la fabrication des puces à des fonderies généralement localisées à Taiwan ou en République Populaire de Chine. Qui elles ne font a priori que de la fabrication. Quelques fabless connues : Qualcomm, NVIDIA, ATI Technologies. Le raisonnement qui les a poussées à se débarrasser de la production est assez simple : une usine de semi-conducteurs peut coûter plusieurs milliards de dollars, est assez complexe à gérer, et n'est pas forcément très rentable. Elles préfèrent donc renoncer aux investissements nécessaires, et aussi aux technologies associées à cette production. D'autres n'ont pas fait ce choix, préférant nager à contre-courant. C'est le cas notamment d'Intel, Motorola et AMD, qui sont restées verticales, c'est-à-dire qu'elles conservent le contrôle de l'ensemble du cycle de vie de leurs semi-conducteurs. C'est ce qui avait fait dire au milieu des années 90 à T.J. Rodgers, fondateur de Cypress Semiconductor, que "real men have fabs".

Or avec les besoins de puissance de calcul qui augmentent régulièrement, la loi de Moore est poussée dans ses retranchements. Et on se rend compte que la conception des puces doit prendre en compte de façon croissante la technique de fabrication, car celle-ci atteint des précisions quasi-quantiques. Ainsi, la double maîtrise conception+production (deux activités de plus en plus liées) devient un avantage sur la concurrence, car elle permet de diminuer fortement les déchets en usine.

Intérieur d'une fab
Crédits : BBC

Ce petit exemple peut être généralisé et extrapôlé à la plupart des secteurs industriels, et notamment la défense : le recours à des fournisseurs low cost peut être tentant pour répondre à des problématiques "court-terme" de réduction des coûts ou de débouchés commerciaux, notamment dans un contexte difficile. Mais les effets à long terme sur l'ensemble de la base industrielle de défense française et européenne sont-ils bien soupesés ?
  • Quid de la perte de certaines compétences qui sont ou pourraient devenir clés, au profit de pays et d'entreprises à qui l'on fournit des éléments qui leur permettent de devenir des concurrents sérieux ?
  • Comment conserver un avantage concurrentiel face à des entreprises qui montent en compétence technologique tout en ayant des coûts de revient plus faibles ?
  • L'industrie high-tech peut-elle encore se développer en Europe ?
  • Quel impact sur l'indépendance technologique et sur la puissance militaire et in fine politique, mais également sur les débouchés professionnels de nos futurs ingénieurs et chercheurs ?

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