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lundi 23 mars 2009

OTAN : la standardisation et la normalisation c'est bon, mangez-en !

Dans tout secteur technologique et industriel, la standardisation (de même que la normalisation) est souvent un objectif recherché. Elle porte en effet de nombreux avantages :

  • fiabilité des produits et systèmes
  • réduction des coûts de développement
  • facilitation des partenariats et de l'innovation partagée
  • optimisation de la chaîne de valeur par interopérabilité de produits et services complémentaires
  • abaissement des barrières à l'entrée et à l'échange, et favorisation de la concurrence
  • plus grande évolutivité des produits et systèmes
  • meilleure régulation du secteur
Bien sûr, certains des points cités ci-dessus ne s'appliquent pas toujours, ou du moins ils ne sont pas systématiquement promus par l'ensemble des parties prenantes : fournisseurs, donneurs d'ordres, consommateurs, états...

Bien sûr (encore), les standards apparaissent rarement ex nihilo mais plutôt à l'issue de
  • longs processus pendant lesquels des batailles de concepts, notamment sur le plan technologique et commercial, font rage, chacun luttant pour imposer son standard, jusqu'à que le combat cesse faute de combattant
et/ou
  • toutes aussi longues phases de R&D, négociations et groupes de travail permettant d'établir des spécifications et règles communes plus ou moins par consensus.
Un standard n'a pas nécessairement un "tampon officiel", au sens où c'est souvent la reconnaissance et l'adoption (i.e. en plus de l'utilisation, la prise en compte dans la conception et le dévelopement de leurs propres produits) par les différents acteurs réels qui compte. On parle alors de standard de facto. Je pense ici par exemple à ce que peut être un Windows dans le domaine des systèmes d'exploitation.

Un standard n'est pas systématiquement mis en avant pour son contenu en lui-même. Souvent, il est l'expression particulièrement d'une volonté, d'une doctrine plus ou moins avouée. Ses promoteurs espèrent en tirer un avantage :
  • parce que le standard favorise certains technologies, activités ou domaines connexes sur lesquels ils sont en situation de leadership
  • parce qu'ils savent ou pensent que le standard (je pense notamment aux standards de sécurité) a des faiblesses qu'ils savent exploiter à leur avantage
  • parce que la mise en oeuvre du standard va favoriser des comportements qui leur sont favorables
  • parce que l'imposition du standard va tuer dans l'oeuf toute velléité de développement de concepts différents, notamment par mobilisation des ressources des partenaires
Bref, la promotion d'un standard (au sens large : pratique, doctrine, tout autant que matériel et technique) est rarement neutre, et son adoption ne produit pas les mêmes effets sur toutes les parties prenantes.

Mais quel lien avec le thème de ce blog ?

Un article sur AGS, suivant mon appel (;-)) aborde le thème de l'impact technologique et industriel de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, complété d'un post sur Mars Attaque qui présente entre autres le concept de STANAG et les attributions de l'ACT de Norfolk.

La standardisation des pratiques, aspects administratifs, procédures, technologies et matériels (notamment au travers des STANAG) est une des activités-piliers de l'OTAN. Elle vise à permettre une meilleure coopération, à tous les niveaux, entre ses membres. Elle se fait dans le cadre plus large de la Transformation de l'Alliance, qui en théorie dépasse les aspects purement technologiques du NCW. Cependant, quand on voit (sans jugement de valeur) par exemple ce qui se fait dans le domaine des liaisons de données tactiques, c'est du "full C4ISTAR compliant" (j'ai pris volontairement le sigle le plus long et fourre-tout des concepts issus de la RMA).

Qu'ajouter à cela ? Transformation et interopérabilité, sous le signe de la guerre en réseau et des EBO, sont évidemment au menu de l'OTAN, et y seront toujours quand la France sera aux commandes de l'ACT. Le sens qu'elles vont prendre aura un impact potentiel fort sur les programmes militaires en cours et à venir, sur une période qu'on peut estimer assez longue.

Pour rappel, le général américain James Mattis est actuellement à la fois à la tête de l'United States Joint Forces Command (en charge de la Transformation, thème à la mode, de l'armée US) et de l'ACT, et l'USJFC se trouve également à Norfolk. Autant dire que les flux doctrinaires entre les deux (notamment dans un sens) vont bon train. D'ailleurs l'ACT n'a-t-elle pas accouché de la NNEC (NATO Network Enabled Capability), concept dont la nouveauté par rapport au NCW ne saute pas aux yeux ?

Et le marché de la défense aux Etats-Unis étant ce qu'il est, les doctrines qui s'y développent font la part belle aux orientations prises par les fournisseurs d'outre-atlantique, au travers des programmes faramineux en cours...mais somme toute, qui peuvent profiter à un grand nombre de defense contractors, puisque le mot d'ordre global est tout de même "vive les dépenses militaires et les giga-projets de mise en réseau de toutes les forces".

Il ne faut pas oublier que les gros fournisseurs américains (Boeing, Northrop Grumman, Raytheon...) ont participé à la création en 2004 du Network Centric Operations Industry Consortium (NCOIC). Il s'agit d'un syndicat interprofessionnel international des entreprises travaillant dans le domaine du NCW, dont l'objectif est l'entraide et la promotion de standards, notamment auprès de l'OTAN ou de l'UE. Il réunit aujourd'hui une centaine de membres, répartis en trois rangs, principalement des acteurs de la défense mais aussi des télécoms. Thales et EADS appartiennent au rang 1, mais la forte prépondérance des entreprises américaines (sans surprise, au regard du secteur concerné) crée un déséquilibre dans les positions soutenues.

Peut-on attendre une révolution obamienne ? Peut-être également que le rééquilibrage en faveur de l'Europe au sein de l'OTAN va jouer en faveur d'une tempérance , puisqu'on sait que de ce côté-ci de l'Atlantique, on est resté jusqu'ici plus prudent sur l'aspect guerre en réseau (ne serait-ce que dans le nom : Network Centric Warfare aux USA contre Opérations Réseau Centrées en France ou Effect Based Approach au UK).

Un des dangers qui guette est, malgré la profusion de standards, que finalement, au vu des différences de moyens et de capacité R&D, l'armée américaine ne soit plus interopérable qu'avec elle-même. La recherche par les européens de la transformation réseau-centrée et de l'interopérabilité à tout prix avec le géant US peut alors être un pur gaspillage, au détriment d'une construction plus modeste et limitée, mais décidément plus "UE-centrée".

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