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dimanche 29 mars 2009

Géopolitique : Le tropisme asiatique

Voici ci-dessous ma réponse à la question posée par Olivier Kempf sur son blog :

Y a-t-il malgré tout un basculement des affaires du monde vers l'Asie ?
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Une réponse succincte de non-géopoliticien...mais le sujet est extrêmemement vaste

En premier lieu, le terme "Asie" me met mal à l'aise. Qu'est-ce qu'il recouvre ? Tout ce qui est à l'Est de la Méditerranée ? L'Asie du Sud-Est ?
1 - Le continent asiatique représente la moitié de l'humanité et recouvre une diversité énorme, de l'Iran au Japon en passant par la Chine, le Pakistan, l'Arabie Saoudite, Israël, l'Inde, le Vietnam, la Thaïlande, les 2 Corée, ou même la Russie Orientale (?) et bien d'autres
De ce simple fait démographique (une illustration parmi d'autres : la Chine compte plus d'ouvriers que l'ensemble des pays du G8) et en accord avec le développement économique, il semble normal que le centre de gravité des affaires du monde s'y déplace. Attention "centre de gravité en Asie" ne signifie pas intrinsèquement que les pays asiatiques soient meneurs du jeu (après tout le Japon, deuxième économie mondiale, est loin d'être la deuxième "puissance"), mais plutôt que c'est autour d'eux que se jouent les principales luttes, qu'ils soient clients, fournisseurs, arbitres...

2 - Sur le front économique, la crise est aujourd'hui globale et touche les pays émergents, fortement immergés dans la mondialisation, à deux titres principaux : le défaut de financement des banques (principalement occidentales) freine leur développement, et la chute de la consommation occidentale, censée absorber une part importante de leur production(particulièrement prégnant en Chine, pour laquelle un des enjeux est le développement de sa demande intérieure), produit une montée du chômage bien supérieure aux effets, en l'absence relative de mécanismes sociaux, bien plus dévastateurs que ce qui peut être observé chez nous. Cependant en valeur absolue le top 10-15 des PIB mondiaux va de plus en plus être occupé par des pays asiatiques (au milieu d'autres puissances émergentes, comme le Brésil ou l'Indonésie). Et inutile de rappeler qu'il y a une douzaine d'années on se demandait si l'Asie du Sud-Est allait se relever de la crise financière de l'époque. De plus on s'étonne de moins en moins de voir des géants asiatiques (principalement chinois et indiens, les Mittal, Tata, Huawei...) prendre le contrôle de fleurons occidentaux. Sans parler des fonds souverains, dont les plus puissants sont bien entendu en Asie.

3 - Ensuite, le jeu des puissances au sein de la méga-sphère asiatique est extrêmement complexe : multiples tensions "locales" et nationalisme exacerbé (jeu des combinaisons : Inde, Pakistan, Iran, Irak, Chine, Corée, Japon...), désirs de leadership local et de puissance globale (on ne parle plus de la Chine, conditionnée depuis quelques temps à l'idée qu'elle sera bientôt n°1) ou du moins d'implication internationale (particulièrement vrai dans le cas du Japon, qui voudrait bien transformer sa force d'auto-défense en vraie armée). Mais les puissances traditionnelles se voient concurrencées sur leurs terrains de jeu, et la création du G20 à l'occasion de la crise actuelle en est l'un des multiples symptômes. De même que l'est l'essor spatial chinois ou indien, ou encore l'assaut mené tout azimut par la Chine sur l'Afrique. On voit là une "fusion" ou du moins une convergence des problématiques économiques, sociales et politiques. Qui risque de s'accentuer autour de sujets comme l'eau, les hydrocarbures ou les matières premières.

En résumé, ce déplacement du centre de gravité me paraît inéluctable, aux dépens des Occidentaux notamment, car les nouveaux géants asiatiques allient, selon des modalités différentes certes, volonté politique de fer et puissance économique. Cependant son rythme peut faire question, dépendant il me semble de l'aptitude de la Chine ou de l'Inde à jouer le rôle de leader sur les problèmes qui se posent aujourd'hui au monde, en dépassant la relation bilatérale avec les Etats-Unis ou la Russie...mais également dans la nécessité de développer, sur tous les sujets, les accords, coopérations et partenariats entre eux et avec leurs voisins.

Désolé pour cette réponse un peu décousue en mode "weekend". Je la reproduis en l'état sur mon propre blog.

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

100% d'accord. Vous l'avez mieux dit que moi.

Petit point mineur sur le Japon, si l'élite conservatrice désire faire du Japon "un pays normal", la propostion rencontre un soutiens domestique faible que la crise économique n'est pas près d'arranger. Cet élément ajouté au marasme politique permanent dans lequel est enfoncé le Japon(malgré la brillante et éphemere exception Koizumi) rend assez peu crédible pour l'instant l'idée de changement politique dans ce domaine.

Sur la dernièr point, bien vue, dans l'immédiat les USA continue de bénéficier d'une poistion centrale. C'est le partenaire indispensable de tout le monde. Peut être va t'elle s'attenuer mais compte tenu des équilibres régionaux j'ai du mal à imaginer qu'elle disparaisse.

ZI

JGP a dit…

Voir le dernier rapport de l'OCDE : le Japon flirte avec la déflation, la Chine est elle le seul pays qui résiste à peu près à la crise.

Pour le leadership global US, avant plusieurs décennies, il sera difficile d'aller le contester. Mais cela fait bien sûr débat. Certains pensent que la Chine (et d'autres avec elle) n'atteindra jamais le rang de numéro 1 et "basculera" avant d'atteindre le sommet.