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samedi 23 août 2008

La France en Afghanistan

Dix soldats français morts le même jour, ce n'était plus arrivé depuis très longtemps. L'incident, déjà largement commenté et qui suscite des débats sur la présence française en Afghanistan, a fortement marqué les esprits dans l'hexagone.

Le contexte asymétrique, l'importance de l'image et de l'aspect "humain" (notamment) dans le contexte afghan ont déjà été décrits en partie ici, ou là.

Cependant, quelques remarques, même s'il est évidemment facile d'asséner des vérités a posteriori :

  • Le 8ème RPIMA n'avait pas demandé de reconnaissance aérienne pour assister la patrouille. C'est indiscutablement une erreur, dans une zone montagneuse, accidentée, à faible visibilité. Et à ma connaissance, les forces françaises ne disposent pas de drones en Afghanistan. Disposer de moyens de reconnaissance dans la 3ème dimension permet de s'affranchir de nombreux obstacles physiques, offre une plus grande allonge et permet donc de mieux préparer et anticiper les manœuvres au sol. D'autant plus que cette zone :
    • est proche de l'axe Kaboul - Peshawar, où ont lieu de nombreux attaques contre les camions ravitaillant la capitale afghane
    • est un bastion des hommes de Gulbuddin Hekmatyar, ancien seigneur de la guerre (dans la plus pure tradition afghane), premier ministre de son pays en 1993-94, et aujourd'hui allié à la nébuleuse Al-Qaida
  • Les bruits (pour le moment non officiellement confirmés) de tirs amis, de la part de l'USAF et de l'armée afghane, alimentent encore le débat sur les réelles capacités de communications et de coordination inter-armes et inter-alliés. Même si bien sûr, dans un engagement très rapproché de haute intensité au sol, dans un environnement très montagneux, la conduite de tir et l'identification des amis-ennemis (depuis les airs ou la terre) ne peuvent jamais être parfaites, malgré toutes les avancées technologiques, et des éclats peuvent toucher les deux camps.
  • Les procédures suivies par les soldats français et leur équipement n'ont pas joué en leur faveur lors de l'embuscade : les troupes envoyées par la France appartiennent à l'infanterie légère (donc de petits véhicules), et sont dotées de peu de munitions (relativement à un emploi intensif). Par ailleurs, le fait d'avoir effectué la reconnaissance près d'un col à pied, hors de leurs VAB, a encore diminué leur niveau de protection et de munitions. Cela est accentué par la relative jeunesse des troupes, dont peu avaient déjà connu le feu dans des conditions réelles. Certaines procédures sont indéniablement à revoir.
  • Si j'en crois un sondage publié par Le Parisien cette semaine, 55% des Français demandent le retrait de nos troupes. L'émotionnel joue un rôle très important, sans doute, dans ces chiffres. Cependant ceci appelle trois questions fondamentales :
    • Que fait la France en Afghanistan ? Ou plutôt, le rôle attribué à la France en Afghanistan est-il d'ordre stratégique quant à l'issue de la guerre qui s'y déroule (et dont on voit bien que l'issue est très incertaine) ? Il est évident qu'un certain flou entoure ces questions, et que la libération de la femme afghane n'est pas la raison principale de l'engagement français. Alors qu'il s'agisse d'alignement sur les USA, d'enjeux énergétiques, de la justification du siège permanent au Conseil de Sécurité...la question mérite d'obtenir une réponse claire de la part du Chef des Armées
    • Les Talibans et leur alliés, en voyant qu'il est possible d'exercer, par le biais de l'opinion publique française, une pression sur les décideurs politiques, non pas en leur faveur, mais en la faveur d'un retrait français, ont là un atout à jouer. Ne se pourrait-il malheureusement pas que des attaques contre les positions tricolores se multiplient dans les jours à venir ?
    • La France et le peuple français sont-ils encore capable de vivre une guerre ? Les dernières décennies nous en ont en quelque sorte "déshabitué", et en soi ce n'est pas forcément un mal. On voit que dans d'autres pays (car ils y sont plus "habitués" ?) la mort de soldats dans l'exercice de leurs fonctions sur le terrain n'est pas vécue comme un tel traumatisme à l'échelle nationale. De mémoire, uniquement pour donner un ordre de grandeur, il me semble qu'environ 15 personnes meurent quotidiennement sur les routes françaises. Bref, la France a-t-elle oublié que le rôle premier d'une armée implique fatalement des morts dans ses rangs ? Mais également, l'Armée Française elle-même est-elle capable d'assumer un conflit dur, long, faisant des victimes dans ses rangs ?
Si l'on replace tout ceci dans le contexte des RGPP et de la nouvelle carte militaire, mais également de l'incident de Carcassonne, le moral des troupes ne doit pas être actuellement au beau fixe...
L'avenir proche nous dira comment la France (politiques et armée mais également opinion publique) réagit "à froid"à cette nouvelle tragédie.

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