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Mon Blog Défense

mardi 26 août 2008

Défense : la France privatise, la Russie nationalise

En écho à mon post de fin juillet concernant l'industrie de défense russe, il semble que la consolidation sous giron public d'une partie de cette dernière soit décidément bien en cours.

NPO Saturn (НПО Сатурн) et UMPO (Уфимское моторостроительное производственное объединение) sont deux motoristes privés, qui équipent entre autres les chasseurs Sukhoi, en cours de fusion (CA total d'environ 850 millions de dollars en 2007). Ils font l'objet d'une tentative de rachat par Oboronprom (ОПК Оборонпром), une holding contrôlée par l'Etat Russe et fondée en 2002.

En avril dernier, Vladimir Poutine, alors encore président, a signé un décret donnant à Oboronprom la mission de consolider le secteur russe des motoristes pour l'aviation. NPO Saturn et UMPO sont les dernières sociétés de ce marché à rester privées, Oboromprom ayant acquis l'ensemble des autres depuis 2007.

Bien sûr les dirigeants de NPO Saturn et UMPO tentent de résister à la prise de contrôle d'Oboronprom, qui a commencé à racheter des parts à des investisseurs institutionnels :

  • en partageant leurs postes
  • en s'achetant des participations croisées
  • en s'appuyant sur leur réseau d'influence, qui n'est pas négligeable
Ils se préparent à une lutte féroce, et n'excluent pas de connaître le même sort que certains oligarques russes tombés en disgrâce, c'est-à-dire la prison. Car il est évident qu'Oboromprom est prêt à tout pour arriver à ses fins. Et comme l'indique à Defense News son patron, Andrey Reus, ses ambitions sont immenses et la holding s'attend à ce qu'UMPO et NPO tombent "naturellement" sous son giron :
There is a certain lack of understanding on behalf of [UMPO CEO] of the
mission and mechanisms of creation of the holding and the further perspectives
of its development

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samedi 23 août 2008

La France en Afghanistan

Dix soldats français morts le même jour, ce n'était plus arrivé depuis très longtemps. L'incident, déjà largement commenté et qui suscite des débats sur la présence française en Afghanistan, a fortement marqué les esprits dans l'hexagone.

Le contexte asymétrique, l'importance de l'image et de l'aspect "humain" (notamment) dans le contexte afghan ont déjà été décrits en partie ici, ou là.

Cependant, quelques remarques, même s'il est évidemment facile d'asséner des vérités a posteriori :

  • Le 8ème RPIMA n'avait pas demandé de reconnaissance aérienne pour assister la patrouille. C'est indiscutablement une erreur, dans une zone montagneuse, accidentée, à faible visibilité. Et à ma connaissance, les forces françaises ne disposent pas de drones en Afghanistan. Disposer de moyens de reconnaissance dans la 3ème dimension permet de s'affranchir de nombreux obstacles physiques, offre une plus grande allonge et permet donc de mieux préparer et anticiper les manœuvres au sol. D'autant plus que cette zone :
    • est proche de l'axe Kaboul - Peshawar, où ont lieu de nombreux attaques contre les camions ravitaillant la capitale afghane
    • est un bastion des hommes de Gulbuddin Hekmatyar, ancien seigneur de la guerre (dans la plus pure tradition afghane), premier ministre de son pays en 1993-94, et aujourd'hui allié à la nébuleuse Al-Qaida
  • Les bruits (pour le moment non officiellement confirmés) de tirs amis, de la part de l'USAF et de l'armée afghane, alimentent encore le débat sur les réelles capacités de communications et de coordination inter-armes et inter-alliés. Même si bien sûr, dans un engagement très rapproché de haute intensité au sol, dans un environnement très montagneux, la conduite de tir et l'identification des amis-ennemis (depuis les airs ou la terre) ne peuvent jamais être parfaites, malgré toutes les avancées technologiques, et des éclats peuvent toucher les deux camps.
  • Les procédures suivies par les soldats français et leur équipement n'ont pas joué en leur faveur lors de l'embuscade : les troupes envoyées par la France appartiennent à l'infanterie légère (donc de petits véhicules), et sont dotées de peu de munitions (relativement à un emploi intensif). Par ailleurs, le fait d'avoir effectué la reconnaissance près d'un col à pied, hors de leurs VAB, a encore diminué leur niveau de protection et de munitions. Cela est accentué par la relative jeunesse des troupes, dont peu avaient déjà connu le feu dans des conditions réelles. Certaines procédures sont indéniablement à revoir.
  • Si j'en crois un sondage publié par Le Parisien cette semaine, 55% des Français demandent le retrait de nos troupes. L'émotionnel joue un rôle très important, sans doute, dans ces chiffres. Cependant ceci appelle trois questions fondamentales :
    • Que fait la France en Afghanistan ? Ou plutôt, le rôle attribué à la France en Afghanistan est-il d'ordre stratégique quant à l'issue de la guerre qui s'y déroule (et dont on voit bien que l'issue est très incertaine) ? Il est évident qu'un certain flou entoure ces questions, et que la libération de la femme afghane n'est pas la raison principale de l'engagement français. Alors qu'il s'agisse d'alignement sur les USA, d'enjeux énergétiques, de la justification du siège permanent au Conseil de Sécurité...la question mérite d'obtenir une réponse claire de la part du Chef des Armées
    • Les Talibans et leur alliés, en voyant qu'il est possible d'exercer, par le biais de l'opinion publique française, une pression sur les décideurs politiques, non pas en leur faveur, mais en la faveur d'un retrait français, ont là un atout à jouer. Ne se pourrait-il malheureusement pas que des attaques contre les positions tricolores se multiplient dans les jours à venir ?
    • La France et le peuple français sont-ils encore capable de vivre une guerre ? Les dernières décennies nous en ont en quelque sorte "déshabitué", et en soi ce n'est pas forcément un mal. On voit que dans d'autres pays (car ils y sont plus "habitués" ?) la mort de soldats dans l'exercice de leurs fonctions sur le terrain n'est pas vécue comme un tel traumatisme à l'échelle nationale. De mémoire, uniquement pour donner un ordre de grandeur, il me semble qu'environ 15 personnes meurent quotidiennement sur les routes françaises. Bref, la France a-t-elle oublié que le rôle premier d'une armée implique fatalement des morts dans ses rangs ? Mais également, l'Armée Française elle-même est-elle capable d'assumer un conflit dur, long, faisant des victimes dans ses rangs ?
Si l'on replace tout ceci dans le contexte des RGPP et de la nouvelle carte militaire, mais également de l'incident de Carcassonne, le moral des troupes ne doit pas être actuellement au beau fixe...
L'avenir proche nous dira comment la France (politiques et armée mais également opinion publique) réagit "à froid"à cette nouvelle tragédie.

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dimanche 17 août 2008

Crise Georgie - Russie : pas de trêve olympique dans le Caucase

Alors que je comptais reprendre le blog sur une note légère, après 3 semaines de vacances, comment faire l'impasse sur ce qui se passe en Géorgie, et plus précisément Abkhazie et Ossétie du Sud ?

Malgré les incertitudes actuelles sur l'enchaînement exact des évènements, mais également sur la situation à court terme, quelques remarques :

  • Mon dernier post de juillet, sur l'industrie de défense russe et sa puissance, était inconsciemment et indirectement prémonitoire

  • D'après les logs du blog, de très nombreux visiteurs ont lu l'article que j'avais écrit en avril, à l'époque de l'affaire du drone géorgien abattu par les Russes. Malheureusement, la situation n'a fait que s'envenimer depuis. Et l'on reparle aujourd'hui de l'envoi d'observateurs européens, déjà évoquée par Javier Solana il y a 6 mois

  • L'UE, parlons-en. On entend et on voit beaucoup, dans les médias français, les efforts de l'actuel "président européen", Nicolas Sarkozy pour rétablir l'ordre aux portes de l'Union, qui voit là encore une guerre sur son palier, plus ou moins en tant que spectatrice. Il est difficile de voir si l'ensemble des membres ont donné un mandat clair au Président français, mais il est évident que la Pologne et les républiques baltes sont les plus véhémentes à l'égard de la Russie. A noter également, une défense du "droit d'ingérence" à géométrie variable, de la part des uns et des autres...

  • Autre aspect déjà évoqué en long et en large ici, la volonté de Moscou de peser sur sa sphère d'influence traditionnelle, au premier chef l'ancienne URSS. Il est évident qu'un tel évènement porte un coup d'arrêt, au moins temporaire, à l'expansion à l'Est de l'OTAN ( pour rappel, la Georgie et l'Ukraine ont reçu la promesse d'une intégration à terme en avril dernier). L'intervention russe montre en même temps l'intransigeance de ce pays et sa volonté à intervenir rapidement et de façon massive, sans se soucier des réactions occidentales. La Géorgie, quant à elle, a-t-elle sous-estimé la réponse russe tout en surestimant celle des USA (allié privilégié) et de l'OTAN ?

  • Un classique : la focalisation dans un premier temps des Russes sur la destruction de l'aviation militaire géorgienne (notamment un bombardement ciblé sur l'aéroport militaire proche de Tbilissi). On ne dira jamais assez que la maîtrise de l'espace aérien est un préalable à des opérations terrestres efficaces

  • Le Livre Blanc de la Défense présenté au premier semestre, qui représente le "schéma directeur" pour l'armée française jusqu'en 2015-2020, n'adresse pas vraiment une telle configuration. Faire la part belle au renseignement et aux conflits asymétriques ne doit pas faire oublier que des guerres plus classiques et conventionnelles peuvent avoir lieu dans le futur et même redevenir prépondérantes

  • Encore une fois, on peut souligner l'importance des images et de la communication, notamment dans un tel conflit où des victimes civiles semblent se compter à la fois du côté ossète et du côté géorgien : batailles sur le nombre de victimes, sur les exactions du camp opposé, sur l'état des forces en présence...

  • Sur les causes profondes et les "vraies" responsabilités ("qui a commencé ?" comme on dirait dans une cour d'école), l'Histoire le dira peut-être dans le futur, mais il est évident que des raisons énergétiques plus ou moins implicites n'y sont pas totalement étrangères

En espérant que la paix revienne rapidement, même s'il y a fort à parier que cela n'en reste pas là. A suivre notamment la réaction des USA si la Russie ne se retire pas et/ou veut forcer le départ du président géorgien...

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