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Mon Blog Défense

mercredi 28 mai 2008

Otages et otages : un court cours d'histoire sans prétention

Avec l'annonce de la mort (survenue en mars dernier) de Marulanda, chef des FARC, semble apparaître un nouvel espoir concernant le sort des otages retenus par la guerilla colombienne.

La prise d'otages, dans le cadre d'un conflit armé, est une pratique très répandue tout autour du monde (Colombie donc, Irak, Afghanistan, mais aussi dans le passé Liban ou Iran), notamment dans les contextes asymétriques. Les victimes sont enlevées sous la contrainte, et constituent un moyen de pression (ou de financement), souvent contre des forces conventionnelles. Très souvent, les otages ne sont pas des responsables directs de la situation contre laquelle se battent leurs ravisseurs : journalistes, humanitaires, voire "simples citoyens".

Il n'en a pas toujours été ainsi. Ou plutôt, pas exactement...

Le mot "otage" (et son équivalent en anglais, "hostage") provient du latin "hostis", qui signifie "étranger" ou "ennemi". Cependant, dans un contexte de relation entre gouvernements (guerre ou paix), il n'avait pas originellement le sens qu'il porte aujourd'hui.

En effet, il y a de cela des milliers d'années déjà (notamment sous la Rome Antique), des leaders politiques ou des généraux avaient l'habitude d'échanger des otages afin de négocier ou de faire respecter un engagement : capitulation, armistice après un siège, paiement d'un tribut déterminé à l'avance...la plupart du temps les vainqueurs étaient les preneurs d'otages, mais cela pouvait se faire dans les deux sens.
Souvent, les otages en question étaient les enfants des dirigeants du camp d'en face, que les Romains, par exemple, éduquaient à Rome avec tous les honneurs dus à leur rang. Il s'agissait donc de captivité de (potentiellement très) longue durée. Bien sûr les otages étaient plus ou moins contraints et forcés, mais leur situation étant acceptée, et ne constituait donc pas une surprise pour leurs proches. En cas de non respect des conditions négociées, leur sort était très souvent la mort.

Cette pratique d'échanges entre "états civilisés" a subsisté pendant le Moyen-Age (Vlad Tepes, qui a inspiré le personnage de Dracula, a été retenu prisonnier par les Turcs avec son frère pendant son enfance) et jusque au XVIIIème siècle, notamment au début de l'occupation britannique de l'Inde, ou par la France dans ses relations avec les peuples d'Afrique du Nord.

Bien sûr, au cours de cette longue période qui s'étale sur plusieurs millénaires, il y eut également des prises d'otages dans le sens où on l'entend aujourd'hui, sans négociation ou engagement préalable. Parmi les plus célèbres, on peut citer Richard Coeur de Lion ou Miguel de Cervantes.

Le dernier exemple d'une telle pratique est le traité d'Aix-la-Chapelle en 1748, quand deux pairs de la Couronne Britannique, Henry Bowes Howard et Charles Cathcart, furent envoyés en France pour assurer à cette dernière la bonne restitution de l'île de Cap-Breton (en Nouvelle-Ecosse). Au XIXème, il y eut encore des prises d'otages similaires, mais non issues d'un traité entre dirigeants, et plutôt pour maîtriser des populations envahies ou conquises : Guerre Franco-Prussienne, Guerre des Boers...

Mais ces prises d'otages négociées sont aujourd'hui bien obsolètes.

Un des personnages de Mistress of the Art of Death, un thriller médiéval d'Ariana Franklin, les présente ainsi :
Hostages save bloodshed, they're a fine idea. Say you're besieged in a city and want to make terms with the besiegers. Very well, you demand hostages to ensure that the bastards don't come in raping and killing and that the surrender takes place without reprisal.
Then again, suppose you have to pay a ransom but can't raise all the cash immediately, ergo you offer hostages as collateral for the rest. Hostages are used just about anything.When Emperor Nicepheros wanted to borrow the services of an Arab poet for his court, he gave hostages to the poet's caliph, Harun al Rashid, as surety that the man would be returned in good order. They're like pawnbrokers' pledges.

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lundi 26 mai 2008

Du bon usage des buzzwords

En écrivant mon article sur les Serious Games, je me suis rendu compte que le terme fédérait un grand nombre de parties prenantes et était employé à toutes les sauces sur des sites internet très variés, notamment, et c'est bien normal, par les éditeurs de logiciel, qui poussent la création d'un segment de marché bien reconnu.

"Serious game" peut donc être considéré comme un buzzword, au même titre que (pour rester dans la sphère technologique) Web 2.0, SOA, "réseaux sociaux" ou "univers virtuel". Plus généralement, "synergie", "proactif", "B2B", "mondialisation", "outside the box" sont souvent entendus dans les réunions d'affaires. La liste est quasiment infinie, et se renouvelle sans cesse...

Le monde de la défense raffole de ces buzzwords, expressions très "marketing" recouvrant souvent des notions aux contours évanescents et parfois fourre-tout, que tout le monde se met à utiliser d'un coup, très fréquemment sans en maîtriser le sens. Les intentions de ceux qui "inventent" et promeuvent ces expressions sont bien entendu rarement neutres, même si leur création peut parfois leur échapper. C'est souvent le cas des locutions du jargon technologique, récupérées par les sociologues, les publicitaires, les futuristes...

Comme dans la sphère politique, l'usage de tels termes dans le monde militaire répond souvent à un besoin d'euphémisation. Mais après tout, c'est normal, puisque la guerre est un concept politique.
Ainsi on a vu fleurir plus ou moins récemment la liste suivante, où se mélangent des concepts, des slogans, des termes marketing :
  • la Guerre Propre
  • le Zéro Mort
  • une frappe chirurgicale
  • les dommages collatéraux
  • les munitions intelligentes
  • Network Centric Warfare
  • War on Terror
  • ...

Ces expressions, qui ne sont pas purement de l'argot ou du jargon militaire à usage interne, sont principalement utilisées à des fins de communication vers des interlocuteurs non militaires (notamment les 4 premiers cités). Au vu de l'importance de l'image (voir mon article sur le sujet) dans la guerre d'aujourd'hui, renforcé par le fait que les populations du monde entier sont abreuvées d'informations provenant de sources diverses, difficiles à contrôler, il est important pour la force militaire et politique de promouvoir (à juste titre ou non) une vision positive de ses actions. Ceci passe donc nécessairement par une volonté de masquer le sang, la chair et les larmes, pour faire de la guerre (au moins en surface) une notion aseptisée, presqu'aussi ludique qu'un "serious game" et modélisable par des chiffres.

L'édulcoration va bien sûr au-delà des buzzwords : ainsi on entend de moins en moins le terme "guerre" au profit de "conflit", on ne parle plus de "soldats morts / tués" mais de "soldats tombés / perdus".

Il est intéressant de voir à quelle vitesse ces buzzwords sont souvent repris par les journalistes, qui en font parfois des termes "banalisés" et "neutres", alors qu'ils ne le sont évidemment pas. Peut-être est-ce mon propre biais, mais ceux auxquels j'ai pensé spontanément tournent presque tous autour de la "guerre technologique" (terrain d'expression de la Revolution in Military Affairs et du Network Centric Warfare), qui porte la promesse d'opérations voire de conflits presque sans violence. De l'autre côté, les terroristes de la "War on Terror" n'ont pas le même souci de l'euphémisme, et utilisent volontiers des termes et images plus "crus".

Bien sûr personne ne peut croire à une guerre totalement "propre" et faisant "zéro mort", d'autant que les opposants se saisissent des buzzwords pour en montrer les limites. Ces expressions peuvent aussi représenter des objectifs à atteindre...ou du moins communicables.

Mais en cette période où les milliards du Pentagone disparaissent en Irak et où un soldat américain tire sur le Coran, l'issue sur le front de l'image est on ne peut plus incertaine...

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samedi 24 mai 2008

Au tour de Saab d'annoncer un recentrage sur le civil

Après Thales (voir mon post de la semaine dernière), Saab a également annoncé vouloir réduire sa dépendance au secteur de la défense au profit de la sécurité.

Le groupe basé à Stockholm (environ 2G€ de chiffre d'affaires), emblématique de l'industrie de défense suédoise (avec Bofors), fabricant du célèbre Gripen, cherche donc aussi à se positionner sur un marché très porteur, lui permettant notamment d'être plus présent à l'export. Une nouvelle entité, spécifiquement consacrée à la sécurité pour le marché civil (qui compte aujourd'hui pour environ 8% de son activité), va être créée.

L'offre de celle-ci va intégrer :

  • des produits et systèmes de sécurité pour les infrastructures critiques (notamment centrales nucléaires, aéroports...) mais aussi les frontières et zones urbaines
  • des produits et systèmes de "safety" (sûreté de fonctionnement) : transports en commun, trafic aérien...
  • des équipements de lutte contre les catastrophes (incendies)
  • des prestations de conseil en sécurité
Saab prévoit également une croissance importante sur ses autres segments civils : technologies spatiales, radars, drones sous-marins, équipements aériens.

Que dire de tout cela ?
  • Il s'agit d'une stratégie logique de la part d'une entreprise privée cherchant des relais de croissance, dans un contexte de stagnation des débouchés purement militaires
  • Il apparaît de plus en plus urgent d'introduire une coopération réelle au niveau européen, au travers de l'Agence Européenne de Défense, afin de définir des priorités partagées en termes de R&D, applications nécessaires et de permettre une concertation sur les domaines à privilégier par chacun (et les règles du jeu à respecter, en ce qui concerne l'attribution de marchés, le transfert de technologie intra-européen)...
  • ...sous peine de voir de nombreux groupes (continuer à) se faire concurrence sur les mêmes marchés, se développer sans aiguillon des puissances publiques (qui deviendra de plus en plus faible si les entreprises dépendent moins des programmes militaires), et au final amoindrir l'indépendance de la défense européenne vis-à-vis d'industriels extérieurs à la communauté

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jeudi 22 mai 2008

Livre Blanc de la Défense, War on Terror

Dévoilé hier à huis clos aux parlementaires dans une version provisoire et "Confidentiel Défense", le prochain Livre Blanc de la Défense doit être officialisé en juin prochain, après avoir subi éventuellement quelques modification de la part des députés.



Dans la droite ligne des RGPP (discutées dans un précédent article sur ce blog), il doit présenter quelques réductions de voilure sur certains programmes (c'est-à-dire en gros soit un étalement des livraisons, soit un réduction du nombre d'unités FREMM, Rafale...) voire un décalage de certains d'entre eux, mais lesquels ? On sait que Guy Tessier, président de la Commission de la Défense de l'Assemblée Nationale, est plutôt en faveur de l'aéromobilité (moyens aériens permettant le déploiement de forces sur le théâtre), des frégates ou des véhicules blindés (bref, de l'équipement, de la plate-forme) au détriment de la numérisation du champ de bataille : Internet tactique, C4ISR et NCW pour les buzzwords, permettant une meilleure acquisition et un partage plus efficace de l'information en vertical (chaîne de commandement) et horizontal (interarmes et interalliés).



Attendons donc juin pour juger sur pièce ce Livre Blanc, qui devrait faire la part belle aux nouveaux conflits asymétriques et à la lutte contre le terrorisme à l'échelle planétaire, principaux traits apparus depuis le précédent Livre Blanc de 1994.



En parlant de ça, j'ai reçu le dernier rapport de Marc Hecker, chercheur au Centre des Etudes de Sécurité de l'Institut Français des Relations Internationales, intitulé "Du bon usage de la terreur", disponible ici.

Je me permets d'en publier ici un court paragraphe, extrait de la conclusion, et qui fait écho (en allant beaucoup plus loin) à deux articles (ici et ) que j'ai écrits récemment à propos de l'aspect humain et de l'importance de l'image dans la guerre :


Toute démocratie tentée par la généralisation et la systématisation
de méthodes de terreur parviendra peut-être à des résultats tactiques
mais risque fort d’hypothéquer ses chances au niveau stratégique.
Autrement dit, sauf à être engagée dans une guerre totale comparable aux
deux conflits mondiaux, une démocratie ne peut se permettre d’appliquer
une stratégie de terreur. Ceci découle de la conjonction d’un pur
raisonnement stratégique et de la place structurelle de la morale en
démocratie. Cette première conclusion doit être considérée comme une règle à
laquelle toute démocratie engagée contre un adversaire asymétrique devrait se
plier, sous peine de défaite probable.

A méditer à l'aune de ce qui se passe actuellement...

Hier j'ai revu une partie de Farenheit 9/11 de Michael Moore (homme au demeurant largement critiquable, sur le fond et la forme). Des images de soldats américains défonçant des portes irakiennes en pleine nuit, ne parlant pas la langue locale, aboyant des ordres à des civils apeurés qui ne comprennent pas leurs paroles (même si elles ne sont en rien comparables à des attentats terroristes !) ne concourent certainement pas à gagner la coopération et la sympathie de la population...

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mardi 20 mai 2008

Serious games et autres mondes virtuels : quoi de neuf pour la défense ?

Un récent rapport remis au Congrès américain présente l'intérêt possible des nouvelles technologies web et des univers virtuels pour la défense, ainsi que des programmes en cours de "serious games" ("jeu sérieux" en français, signe que c'est pas de la rigolade).

Sous cette appellation se cachent simplement des jeux vidéos non destinés à du "pur divertissement", mais plutôt à des fins de formation et d'apprentissage. Secteur en plein boom, ses principaux utilisateurs sont le gouvernement US et la santé. La relative facilité à créer rapidement des environnements virtuels simulant diverses situations de la vie réelle n'est pas pour rien dans cet essor. D'ailleurs, la plupart de ces jeux sérieux sont des simulations, qu'il s'agisse de business, de secours d'urgence, d'opérations des forces de l'ordre. Les coûts en sont également relativement réduits : un PC et un DVD sont en général suffisant côté utilisateur, avec bien sûr un réseau pour les applications multijoueurs. Les professionnels du jeu vidéo de divertissement utilisent leur savoir-faire pour adapter ce qui existe aux exigences professionnelles, souvent en épurant les graphismes et décors superflus.

Dans le domaine spécifique de la défense, citons

  • l'initiative globale DARWARS de la DARPA, qui vise à utiliser les nouvelles technologies pour accélerer le déploiement des systèmes d'entraînement militaires. DARWARS Ambush! est un serious game initialement basé sur des opérations de convois, mais s'est depuis étendu à un ensemble de situations tactiques.
  • Noble Resolve, du JFCOM (Centre de Commandement Interarmes US), qui simule une attaque nucléaire sur le territoire américain
  • au niveau des développements privés, Steel Beasts Professional de eSim Games (simulation de char, utilisé par plusieurs armées dans le monde) ou Rapid Onset de Visual Purple (mix de Splinter Cell et Counterstrike, mais en mode "sobre", destiné aux services de renseignement). Visual Purple développe des serious games spécifiques pour chacun de ses clients, en se basant sur des technologies propriétaires.
Les Etats-Unis, si l'on en juge par la diversité et le montant des investissements consentis, y croient. De ce côté de l'Atlantique, on est plus timorés pour le moment.

Qu'en est-il de leur utilité réelle ? On a tous joué à des jeux vidéos...une intelligence artificielle, aussi avancée soit-elle (dans l'état actuel de la recherche), y est souvent répétitive à la longue et arbore des comportements qui finissent par être stéréotypés. Il y a une sorte de logique pré-cablée qui fait que même si les possibilités offertes sont grandes (voire immenses), le déterminisme des concepteurs, si bons soient-ils, impose aux joueurs certains comportements et solutions. Or lors d'une opération, les problèmes sont démultipliés, qu'ils soient externes (le comportement de l'adversaire, de l'équipier, du civil, le climat...) ou internes (état physique, stress...) . N'oublions pas que nous sommes dans le domaine du jeu "réaliste" : un Quake ou un GTA peuvent aider à acquérir certains réflexes, mais ils ne reflètent pas, malgré leur niveau élevé, le potentiel réel d'un humain livré à lui-même.
Attention, à des fins de démonstration, d'apprentissage initial et "théorique", l'apport de tels jeux peut s'avérer important, et permettre l'acquisition de certains réflexes. Mais ils ne remplaceront jamais l'expérience terrain et "physique", que ce soit par le nombre de possibilités, mais également par le ressenti du soldat.

Dans le domaine de la conception de plates-formes industrielles (véhicules, bâtiments...), les éditeurs de logiciel promettent également des solutions permettant une virtualisation de l'ensemble du processus amont, dont les simulations, et évitant ainsi de coûteux prototypes matériels...

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mercredi 14 mai 2008

Industrie de la défense : Je ne raconte pas que des craques

Un article sur Thales, paru dans les Echos de la semaine dernière, va dans le sens de mon billet sur les champions nationaux de l'industrie de défense :


  • repositionnement sur les activités civiles : faire face à la stagnation des budgets publics de défense, à la concurrence des géants Américains, à la montée en puissance des technologies duales (dont profitent à fond des groupes comme General Dynamics)...

  • montée dans la chaîne de valeur pour se positionner comme systémier / intégrateur / maître d'oeuvre (et non plus "seulement" équipementier) : profiter de meilleures marges, contourner les concurrents plus forts sur les prix...

  • stratégie multidomestique : se présenter comme un industriel local, près de chacun de ses clients, en redéployant une partie de sa capacité de production, R&D...

Et où l'on reparle pour Thales, après la récente réorganisation, de la fusion avec Safran, très présent sur la motorisation mais aussi les équipements et systèmes de communication...


En parallèle, il semblerait que les industriels soient en bonne voie pour obtenir des contrats de maintenance des équipements plus longs, certes en échange de baisse des prix, et pour le moment uniquement sur certains équipements uniquement (véhicules terrestres, maritimes, rafale) : la maintenance, certes moins "sexy" que les études amont, est, comme dans de nombreux secteurs économiques, une vraie vache à lait pour les fournisseurs, car elle constitue un revenu garanti dans le temps. De l'autre côté, pour l'Etat, ce type d'accord permet une réduction des coûts, mais à condition d'être capable d'immobiliser plus d'argent longtemps à l'avance dans le cadre des programmations militaires...

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mercredi 7 mai 2008

Nicolas Sarkozy a-t-il peur de la cour des grands ?

Une fois n'est pas coutume, parlons politique !

Un an après son élection, et à la veille des commémorations du 8 mai, force est de constater que Nicolas Sarkozy, sur la scène diplomatique internationale, n'a pas pris le tournant de la rupture tant annoncée pendant sa campagne. Mais ne polémiquons pas...

Juste deux remarques, au-delà des épisodes lybien ou tibétain, ou même des félicitations à Vladimir Poutine, des vacances aux USA ou des frasques devant les ministres des finances européens :

  • Le dossier iranien était censé être "le plus difficile", selon les mots du candidat du printemps 2007, à traiter par le futur président : or que dit l'Elysée aujourd'hui, en cette période où la tension monte, du côté d'Ahmadinejad comme du côté américain (Maison Blanche, ainsi que John McCain et Hillary Clinton) ? Rien du tout, le dossier n'a pas vraiment été abordé par Nicolas Sarkozy depuis le début de son mandat (hormis lors de 2-3 discours de principe)
  • Nous en avons déjà discuté, les esprits s'échauffent et les bruits de bottes résonnent également entre la Géorgie et la Russie, aux portes de l'UE, et qu'en dit la France ? Rien du tout
Où est la voix de la France sur les grands sujets chauds actuels au niveau diplomatique ? Dans le vide intersidéral...

Quel signe faut-il y voir, après le rapprochement annoncé avec la structure de commandement intégré de l'OTAN, et de quoi cela augure-t-il pour la future présidence française de l'Union Européenne ?

Est-ce un manque de courage, d'intérêt, ou peut-être la peur de faire des gaffes face aux positions des Alliés américains ou des grandes puissances russe, chinoise... ?

Sur ce, bon weekend prolongé à tous ;)

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jeudi 1 mai 2008

Iron Man lives again!

Je viens de voir Iron Man, le dernier film de Jon Favreau, avec Robert Downey Jr dans le rôle titre, dans les salles depuis le 30/04/08.

Pour résumer, c'est l'histoire d'un industriel de l'armement de génie, kidnappé lors d'une démonstration de son tout nouveau produit en Afghanistan, et qui va construire une super armure pour échapper à ses ravisseurs.

Un blockbuster américain assez bien fait, mais sans originalité majeure, qui au vu de la dernière scène (restez jusqu'à la fin de générique !), appelle certainement une suite, voire plusieurs : du franchising comme savent le faire les Américains. Loin de moi l'idée de rédiger ici une critique, d'autant que je ne maîtrise certainement pas les codes de l'univers Marvel pour être 100% pertinent.

Cependant, en lien avec le thème du blog, quelques remarques à chaud (il ne s'agit pas ici d'une analyse exhaustive). Attention aux spoilers éventuels :

1 - De beaux gadgets, et de nombreux équipements militaires - ou civils - à venir ou à l'étude (ou dans les rêves les plus fous)

  • Intelligence Artificielle extrêmement avancée, jouant le rôle d'assistant personnel, d'ingénieur, de responsable de production, pouvant piloter toute une gamme de robots / capteurs / armes en complète autonomie, d'analyser une situation tactique et bien sûr mener une conversation sur n'importe quel sujet
  • missiles et munitions intelligents (capables de faire la différence entre civils innocents et méchants terroristes)
  • armes tactiques à fragmentation de forte puissance ("mini-nukes")
  • batteries miniatures permettant une autonomie quasi-illimitée d'unités sur le théâtre des opérations
  • incapacitants non-létaux (utilisant des bandes de fréquences sonores spécifiques, un sujet bien d'actualité en ce moment)
  • armes portatives, alliant puissance et mobilité, pouvant équiper un soldat et lui conférant plus de feu qu'un char ou qu'un avion de combat
  • NCW poussé à l'extrême avec une intégration temps réel de capteurs radars / vidéo sur tout type de plate-forme jusqu'au centre de commandement (avec, comme d'habitude dans les productions américaines, des interfaces homme-machine totalement futuristes, à base d'hologrammes en 3D)
  • mais aussi drones, véhicules furtifs, matériaux blindés ultra-résistants...
  • ...sans oublier les exosquelettes, comme celui développé par Raytheon, au travers de leur projet ExoSkeleton
2 - Un flou sur ce qui se passe en Afghanistan. Bien sûr, ce n'est pas le coeur du film, mais qui sont les "méchants" qui attaquent le convoi militaire américain et kidnappent le futur Iron Man ? On peut penser initialement qu'il s'agit de Talibans ou de combattants islamistes (ils s'opposent aux Américains, ils sont décrits comme des "étrangers" d'origines diverses, parlant plusieurs langues). Mais ensuite ils sont désignés sous le terme d'organisation des "10 anneaux", ce qui ressemble beaucoup aux appellations typiques des organisations criminelles mégalomanes des films hollywoodiens...ils sont également décrits comme des Seigneurs de la Guerre (qui en Afghanistan sont plutôt des chefs de tribu contrôlant un territoire et non des apatrides), et tuent des autochtones dont ils dévastent les villages, le but de leur chef étant apparemment de dépasser Genghis Khan

3 - Une réflexion du personnage principal, dans son costume d'industriel de la défense, sur la dissuasion (je ne me rappelle plus les phrases exactes) :
  • A son père, qui a participé au Projet Manhattan (débouchant sur l'arme nucléaire américaine), et qui affirmait qu'une arme parfaite était une arme que l'on aurait pas besoin d'utiliser (principe de la dissuasion)...
  • ...il réplique (de façon indirecte) qu'une arme parfaite est en fait une arme que l'on a besoin d'utiliser une seule fois (afin d'effrayer l'ennemi)...avant de faire la démonstration de son dernier missile capable d'anéantir une montagne
  • Au-delà du bon mot, qu'en dire ? Certes, la bombe atomique, au coeur de la doctrine de dissuasion, a été utilisée une fois, et cela a suffi à montrer ses capacités de destruction.
4 - Un semblant de mea culpa des USA vis-à-vis de leurs interventions militaires autour du globe ? Lorsque le personnage principal revient de sa captivité forcée, il a perdu sa belle assurance concernant l'apport pour la paix dans le monde des produits sortant de ses usines...après avoir réellement vu ce qui se passe sur le terrain (certes, ce qui le choque est principalement de voir des armes américaines utilisées contre des GIs).

5 - L'affirmation de la toute puissance de la technologie dans le jeu militaire. En droite ligne de la Revolution in Military Affairs et du Network Centric Warfare (déjà discutés sur ce blog), le film met en exergue l'utilisation tous azimuts de technologies, véritables facteurs clés de succès au cours des conflits, (certes il ne s'agit que d'un film, et non d'un support doctrinaire) et la fascination qu'elles exercent sur les militaires, notamment aux États-Unis.

6 - Comme souvent dans les films, une dépiction fantaisiste des processus de recherche et développement, notamment dans le secteur militaire. Un homme seul peut, en quelques jours, certes avec l'aide de son super ordinateur, concevoir, manufacturer, tester et mettre en service un équipement (son armure d'"Iron Man") mobilisant un spectre extrêmement large de technologies, dans de nombreux domaines scientifiques. Le passage du besoin opérationnel à la spécification, puis au prototype (au travers d'un outil de PLM faisant passer CATIA pour une antiquité) et enfin au produit final se fait de façon immédiate, continue, avec à peine un accroc comique lors des essais. Dans la vraie vie, les cycles de développement militaires sont extrêmement longs, avec un découplage de la phase de "recherche" (qui avance lentement)...et toute personne ayant vécu un programme vous dira que client, Maîtrise d'Oeuvre et exécutants tombent rarement d'accord du premier coup, que les phases d'intégration et validation sont très compliquées et rarement totalement satisfaisantes...

Bref, un moment de détente comme Hollywood sait en produire, avec des raccourcis pratiques pour l'histoire, et quelques éléments pouvant amener à réflexion sur le sujet militaire.

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Tension entre Géorgie et Russie : un révélateur pour l'OTAN et l'UE

Sans remonter jusqu'à l'incorporation de la Géorgie (70000 km², 4.7 millions d'habitants, capitale : Tbilissi) à l'Empire de Russie en 1801, une forte animosité existe entre les deux pays depuis la déclaration d'indépendance de la première le 9 avril 1991, peu avant l'effondrement de l'URSS, mais surtout depuis la Révolution des Roses en 2003.

Les velléités séparatistes de l'Abkhazie (8500 km², 200 000 habitants) et de l'Ossétie du Sud (3900 km², 70 000 habitants), deux régions géorgiennes - mais aux peuples non géorgiens - dont la Russie a reconnu (contrairement à l'ensemble du reste de la communauté internationale) l'indépendance de facto, constituent le point focal des désaccords.


Quelques évènements récents alimentent un regain de tension :

  • début avril 2008 : "promesse" par l'OTAN d'intégrer à terme la Géorgie (et l'Ukraine), très critiquée par la Russie
  • 18 avril 2008 : annonce par la Russie d'une coopération économique avec les autorités de fait d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, dénoncée par l'UE et l'OTAN
  • 20 avril 2008 : affaire du drone géorgien abattu au-dessus de l'Abkhazie, par un missile russe selon Tbilissi
  • 30 avril 2008 : annonce par la Russie d'envoi de troupes supplémentaires dans les 2 régions séparatistes, officiellement dans le cadre de la mission de paix confiée à la CEI au début des années 1990. Là encore, de vives critiques ont émané de la part de l'OTAN et de l'UE, par la voix de son Haut Représentant pour la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC), Javier Solana. La Géorgie parle elle "d'agression militaire de grande ampleur" et entrevoit une annexion de fait
J'en ai déjà discuté sur ce blog, la Russie n'est pas prête à abandonner sans se défendre son influence sur sa sphère traditionnelle, et notamment les pays d'Europe de l'Est les plus proches d'elle (une réminiscence du glacis du Pacte de Varsovie ?)...d'autant plus que cette perte d'influence semble se faire au profit de l'OTAN, et donc des États-Unis.

En face, cette crise sert de double révélateur :
  • pour l'OTAN "nouvelle formule", intégrant des anciens pays communistes, il est question de l'unité (derrière les USA) face à l'ennemi d'hier, qui sur ce type de sujet s'annonce au moins comme un "partenaire difficile" voire un "adversaire" dans le futur. Il est donc question de l'utilité et des raisons d'être elles-mêmes de l'Alliance.
  • pour l'UE, il s'agit du énième test de crédibilité en tant que puissance à la voix qui porte sur le terrain géopolitique. Pour cela, il faut une unanimité (au moins parmi les "grands" que sont le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne et la Pologne) et une volonté commune de s'affirmer et d'oser faire face à la Russie. On a vu dans un passé proche que certains gouvernants européens ont une fermeté à géométrie variable, notamment quand il s'agit de s'opposer à des partenaires économiques importants (clients potentiels ou fournisseurs d'énergie)
L'envoi de signaux tangibles, fermes et clairs à la Russie, ainsi que le projet de déploiement "d'experts" européens en règlement de conflits (notamment sur les aspects douaniers) sont deux initiatives, évoquées par J. Solana et les représentants géorgiens, qui, si elles se concrétisent, contribueraient à concrétiser une UE politique sur la scène internationale.

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