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mardi 29 avril 2008

Pétrole cher : défense et énergie

Le prix du pétrole paraît orienté à la hausse de façon structurelle : la barre des 100$ le baril est déjà loin, et certains voient déjà les 200$ pointer à l'horizon.

Dans un contexte de forte croissance de la demande énergétique mondiale, les capacités de production ne sont pas assez flexibles pour y répondre, et la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles reste importante : la part du nucléaire ou des énergies renouvelables est très faible (selon Eurostat, elles représentent à peine 20% du bouquet énergétique de l'Union Européenne en ce début de XXIème siècle) par rapport au pétrole, gaz naturel et charbon. Ceci entraîne une forte dépendance vis-à-vis des pays producteurs, notamment Moyen-Orient et Russie, car l'UE et la France ont une production propre faible.

La question de la sécurité énergétique européenne et française dépasse bien sûr les seules questions de défense, car elle implique diversification des sources, des fournisseurs, diminution des impacts sur l'environnement (en cette période où le "vert" est à la mode, au moins dans les discours)...autant de sujets sociétaux, politiques et commerciaux, pour lesquels il serait important et urgent qu'une réelle coordination européenne émerge, et qu'une réelle concertation internationale, intégrant les puissances émergentes, comme la Chine, l'Inde et le Brésil, soit mise en place.

Cependant, les moyens de défense ont un rôle important à jouer, notamment sur la problématique de sécurisation des approvisionnements, dont la chaîne (zones d'extraction, raffineries / usines de transformation, entrepôts de stockage, routes de transport, zones de consommation) fait le tour du monde. Des missions de renseignement, de protection et d'intervention (notamment contre des actes de piraterie, ou pour remédier à une instabilité géopolitique dans certaines zones) sont particulièrement adaptées aux capacités de nos armées, que ce soit sur terre, mer, ou dans les airs, même si la France a historiquement associé plus tardivement énergie et armée que les États-Unis ou le Royaume-Uni. Le périmètre à couvrir étant très vaste, et pour des raisons de taille critique, il est primordial qu'une mission de défense axée sur l'énergie au niveau européen soit définie et mise en oeuvre.
Il faut pour cela mettre à profit :

  • les accords bilatéraux (intra et extra européens) existants pour faciliter les interventions et pacifier si possible les zones les plus instables (avec mandat onusien), qui sont souvent riches en énergie
  • les réseaux diplomatiques (des pays européens) existants autour du globe, essentiels pour la connaissance et la compréhension des situations locales, le recueil d'information, les négociations en vue de déploiements
  • les capacités des différentes armes : marine pour la surveillance et la sécurisation des routes maritimes, air et terre plutôt pour des interventions ponctuelles et la protection d'installations fixes
Ceci n'a évidemment de sens que s'il y a une étroite collaboration avec le pouvoir politique (nécessairement donneur d'ordre) mais aussi les acteurs économiques, et le gain n'en sera optimal que quand une réelle stratégie énergétique européenne aura vu le jour.

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mercredi 23 avril 2008

La guerre : de plus en plus une affaire d'image

En ces temps troubles pour le deuxième porte-avions français (PA2), je souhaiterais revenir sur l'information révélée par le New York Times ce dimanche 20 avril 2008, concernant la "manipulation" par l'administration Bush d'analystes militaires médiatiques (dont nombre d'anciens gradés) afin de diffuser et promouvoir son message auprès du public américain.

Au-delà des connivences entre mondes politique et industriel (la plupart des experts concernés sont des lobbyistes pour des acteurs majeurs de la Défense), cet "épisode" montre clairement l'importance toujours plus grande accordée à l'image, et ce par l'ensemble des parties engagées. On se souvient que lors de la Guerre du Vietnam les images des cercueils de soldats rapatriés avaient joué un rôle prépondérant auprès de l'opinion américaine, et dans l'issue du conflit...d'où une reprise en main sévère et un encadrement strict des images lors de la Première Guerre du Golfe (et les fameux journalistes "embedded").

Dans le monde militaire comme dans le monde de l'entreprise, l'opérationnel est au-dessus du tactique, et le stratégique et au-dessus de l'opérationnel. Cependant, et cela est de plus en plus vrai, au-dessus du stratégique, il y a le politique...et le politique est très sensible, opinion publique oblige, à l'image (le lien stratégique-politique est extrêmement complexe à analyser, notamment dans tout ce qui concerne la prise de décision, j'y reviendrai éventuellement dans un prochain billet).

Dans un contexte de guerre longue, asymétrique (où il ne s'agit plus de batailles "organisées" entre armées conventionnelles de pays souverains), où les objectifs (de part et d'autre) ne sont pas bien définis (ou du moins, n'apparaissent pas comme bien définis), gagner sur le terrain de l'image (à la fois auprès de son propre peuple mais aussi auprès des populations impactées plus directement, voire auprès de l'ensemble de la "communauté mondiale") est primordial :

  • cela permet de mobiliser en termes de moyens : financiers (notamment du côté "conventionnel"), humains (des deux côtés)
  • cela joue grandement sur les opérations tactiques, menées au coeur de la population, qu'elles soient de stabilisation ou de subversion

La propagande (dans son acception générale, c'est-à-dire la stratégie de communication utilisée par une personne ou organisation pour influencer la population dans sa perception des événements ou des personnes) est donc au coeur des préoccupations des pouvoirs militaires et politiques. Dans le cadre plus large de la "guerre de l'information", il s'agit par tous les moyens (dont certains illégaux ou immoraux) de déstabiliser l'adversaire

  • en répandant sur son compte des informations négatives (vraies ou fausses),
  • en lui faisant croire à des choses fausses (empiétant sur le domaine du renseignement) et en semant chez lui la confusion
  • en valorisant ses propres actions, en faisant si nécessaire diversion sur ce qui fâche, ou en mentant par omission
  • en faisant apparaître comme neutre et/ou objective ses propres idées (notamment au travers de tiers, comme des analystes ou journalistes)

Ces outils, qui peuvent s'appuyer sur des moyens technologiques (mais sans que cela ne soit primordial, les canaux de communication étant souvent "mis à disposition" par des tiers : médias, sites Internet...tiers qui sont soit du même bord, soit se voulant "neutres"), sont utilisés selon des modalités assez proches par une force "conventionnelle" ou une guérilla, mais avec quelques différences, dont les suivantes :

  • beaucoup moins de "politiquement correct" du côté guérilla, dans le discours (moins de glissement sémantique que dans les discours officiels qui parlent de "frappes chirurgicales", de "victimes collatérales", de "guerre propre"...) et les images, avec un fond idéologique plus affirmé (qu'il soit local ou internationaliste)
  • plus grande mise en avant de données chiffrées (plus ou moins honnêtement présentées) du côté conventionnel, alors qu'une guérilla insistera plus sur des faits d'armes précis (en ayant éventuellement recours à l'hyperbole)
  • bien évidemment, appui beaucoup plus prononcé sur des acteurs médiatiques, industriels, politiques pour les forces conventionnelles

La réalité, sur ce terrain, compte finalement peu, seule la perception de la réalité par "le monde extérieur" étant importante.

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mercredi 16 avril 2008

F-117 : l'engoulevent replie ses ailes

Dans cinq jours (le 21 avril 2008), l'avion d'attaque au sol furtif F-117 de Lockheed Martin sera retiré du service, après 25 ans de bons et loyaux services.

Sa silhouette reconnaissable (proche à certains égards de celle du bombardier B-2), construite à seulement 59 exemplaires (entre 1982 et 1990), uniquement pour l'US Air Force, et dérivée du prototype Have Blue, ne parcourra plus le ciel, au profit des plus polyvalents

  • F-22 Raptor : introduit en 2005, avion de chasse principalement, mais ayant des capacités d'attaque au sol et de guerre électronique
  • F-35 Ligntning II (ancien JSF) : déploiement opérationnel prévu pour 2011, avion multi-rôle (soutien au sol, attaque au sol, supériorité aérienne)

Premier aéronef opérationnel conçu autour du concept de furtivité, il fut mis en avant principalement lors de la première Guerre du Golfe, durant laquelle, après une forte contribution pendant les premières 24h, ses "Smart Bombs" (bombes guidées par laser) ont connu un taux de succès assez faible (environ 40%). Pendant la guerre du Kosovo, en 1999, il fit également la Une des journaux lorsque les forces serbes en abbatirent un grâce à une batterie de SA-3 . Il était également à l'affiche du film d'action (un nanar à l'américaine) Ultime Décision, avec Kurt Russel, Halle Berry et Steven Seagal

Contrairement à la plupart des aéronefs de combats existants aujourd'hui, il ne se basait pas principalement sur son aérodynamisme et sa vitesse (puisqu'il était subsonique, avec une vitesse maximale à 0,92 Mach), mais sur sa relative invisibilité, due à sa forme et les matériaux le composant (absorbant les émissions radar) plus qu'à son avionique (électronique embarquée).

Dans son ouvrage "La Guerre Intelligente", Bernard Schnetzler, parmi d'autres points de vue iconoclastes (par rapport aux doctrines actuelles), défend l'idée que ce type d'avion pourrait représenter une plate-forme d'avenir, équipée de missiles de croisière de longue portée, et au coût de production et de maintenance plus faible que les Rafale, F-22 ou F-35, qui seront dépassés dans leur fonction de bombardement sur le plan financier (au rythme où augmentent les coûts de développement, les simulations montrent que malgré la hausse des budgets militaires, les armées pourront acheter de moins en moins d'aéronefs). Ceci rejoint dans un certain sens les réflexions sur les munitions intelligentes, vers lesquelles se déplacent la valeur ajoutée : Bernard Schnetzler se demande si il y a encore un intérêt à produire des avions très rapides, au détriment d'avions plus lents, moins chers, mais plus lourdement équipés de munitions très performantes : précises, à long rayon d'action, puissantes....

Pour finir, il est intéressant de noter que le préfixe "F" est normalement réservé aux avions de combat aérien (F-16, F-22), et que le "A" s'applique aux avions d'attaque au sol...une des raisons, avancée par un membre de l'équipe de développement, est peut-être que pour attirer les meilleurs pilotes, nécessaires pour un avion de ce calibre, le "F" était plus sexy.

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dimanche 6 avril 2008

La France vraiment de retour dans l'OTAN ?

Envoi de renforts français en Afghanistan (800 soldats, soit une goutte d'eau par rapport aux 600 000 que Tommy Franks, anciennement à la tête de l'Opération Enduring Freedom, estimait nécessaire pour maîtriser l'ensemble du territoire), déclarations de Nicolas Sarkozy lors du sommet de l'OTAN à Bucarest sur le retour de la France au sein du commandement intégré de l'Alliance dès 2009 ou même sur l'Iran et Al-Qaida...

La France se rapprocherait-elle des positions de l'Amérique de George Bush, en se tournant plus vers l'Ouest du monde anglo-saxon, rompant avec une "tradition" de plus de quarante ans ?

S'étant retirée de sa direction militaire en 1966 sous Charles de Gaulle, la France y a rétabli un représentant en 1996. Tous les autres grands pays de l'Union Européenne (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne) en sont membres, ce qui "isole" de fait la France, pourtant cinquième contributeur financier avec 110 M€ - soit 6,4% du budget - en 2004, lors des grandes prises de décisions militaires (Kosovo, Afghanistan, Irak...).

Un retour dans l'OTAN rapprocherait bien sûr la France du giron américain d'un point de vue militaire, et naturellement on peut penser qu'il handicaperait le développement d'une vraie Europe de la Défense autonome et "intégrée", déjà en difficulté malgré le Comité Militaire de l'UE, l'Etat-Major de l'UE et l'Agence Européenne de Défense. Ces difficultés sont à la fois d'ordre politique (dans le cadre plus large des Affaires Etrangères) et industriel :

  • impossibilité à définir une position commune sur de nombreux sujets (Irak, Chine...)
  • tropisme "pro-américain" des anciens pays du Bloc de l'Est, qui considèrent que les Etats-Unis sont les plus à même d'assurer leur sécurité (cf par exemple le bouclier anti-missile américain, dont nous avons parlé sur ce blog)
  • fragmentation existant encore sur certains marchés de la Défense (équipement terrestre, aéronautique, naval...) résultant en partie du protectionnisme national
Bref, une France réellement intégrée à l'OTAN signifie-t-elle la fin des rêves d'une réelle "Défense européenne" indépendante, c'est-à-dire capable de décider d'intervenir de façon unie, sans blanc-seing américain ?

Même si le Président Sarkozy affirme que la France négocie son retour en échange d'une plus grande liberté laissée par les Etats-Unis au niveau européen, il est évident que ces derniers n'ont pas intérêt à ce que des pays ayant rejoint leur sphère d'influence (et accessoirement la liste des clients de leur industrie d'armement) s'en éloignent. Et une Europe unie, disposant de capacités militaires propres et d'une volonté politique de les mobiliser, peut constituer un contre-poids ou du moins de mieux s'affirmer face à l'hyperpuissance américaine.

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