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dimanche 30 mars 2008

Iraq, Afghanistan : la guerre, encore une affaire humaine

Nicolas Sarkozy a annoncé un prochain renfort de 1000 soldats français en Afghanistan devant le parlement britannique.

En même temps, John McCain, candidat républicain des prochaines élections présidentielles américaines, a répété lors de sa tournée européenne, et alors que la barre des 4 000 morts parmi les forces déployées par l'Oncle Sam vient d'être franchie, que les soldats US n'étaient pas assez nombreux en Irak (ils sont à début 2008 un peu plus de 150 000).

Indépendamment des débats sur la légitimité de ces guerres, et même si les compétences de McCain en géopolitiques sont critiquables (lui aussi a du mal à distinguer les Chiites et les Sunnites), ces informations sont là pour réaffirmer que dans un contexte asymétrique, la phase de stabilisation et de rétablissement de la normalité après une intervention ayant détruit les infrastructures et les fondements d'un pays (fussent-ils mauvais) demande des moyens humains énormes et ne peut se faire que dans la longueur.

Ceci est d'autant plus vrai dans une situation où la population locale a des a priori hostiles vis-à-vis des forces militaires engagées, et où les forces subversives ("guerilla" menée par les Talibans, Al Qaida ou les milices chiites) disposent de relais relativement puissants et adoptent des pratiques de combats contre lesquelles les armées conventionnelles sont peu efficaces.

Pourquoi rappeler de telles évidences ?
Tout simplement parce que ces dernières années, notamment depuis l'avènement de la Revolution in Military Affairs et de la doctrine du "Network Centric Warfare" aux Etats-Unis (qui ont depuis largement déteint, depuis la première Guerre du Golfe, à l'extérieur des frontières américaines), la croyance que l'introduction massive de la technologie (notamment de l'information) dans les forces armées, à des fins de partage, d'interopérabilité, de précision et d'efficacité... était la panacée. Elle allait permettre une forte économie de moyens (notamment humains, parmi les forces armées comme parmi les civils, les fameuses victimes collatérales), en rendant la guerre rapide et plus "propre".

Certes, savoir où se trouvent ses troupes, celles de l'ennemi, de quelles forces il dispose....est un avantage certain sur lui pour remporter la victoire. Cependant, ceci s'applique avant tout à une confrontation entre forces armées (guerre symétrique ou dissymétrique, si les forces en présence sont déséquilibrées). Or dans le contexte de l'Irak ou de l'Afghanistan, cela correspond seulement à la première phase du conflit, respectivement contre les armées de Saddam Hussein et les troupes talibanes, c'est-à-dire la phase d'intervention. Effectivement, on a vu qu'elles ont rapidement tourné à l'avantage des Alliés, grâce notamment à la puissance de feu des bombardiers B-52 américains mais aussi la coordination interarmes et interalliés.

Quant à la phase suivante (qui dans la doctrine doit correspondre au retour à la normale), on voit qu'elle est beaucoup plus difficile et meurtrière, et que dans les deux pays susmentionnés, les forces ennemies n'ont toujours pas été détruites, après plus de cinq ans de combats (soit plus que la Grande Guerre ou même la Deuxième Guerre Mondiale).

Conclusion : certes, la supériorité aérienne et technologique assurent un avantage sine qua non pour triompher d'une armée "conventionnelle" adverse, mais la paix se gagne sur la terre ferme, au milieu des populations, avec beaucoup de moyens humains, et dans la durée.

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dimanche 23 mars 2008

De la dissuasion nucléaire française

L'info de ces derniers jours est bien entendu l'inauguration par Nicolas Sarkozy du Terrible, dernier né de la composante sous-marine de la dissuasion nucléaire française. Pour rappel, celle-ci comprend également une composante aérienne, historiquement la première par le biais des Mirage IV (remplacé dans cette mission par le Super Etendard et le Mirage 2000N) dès 1964, mais dont l'importance diminue depuis des années. On n'oubliera pas non plus le plateau d'Albion, désarmé de ses missiles balistiques en 1996.

D'environ 500 ogives dans les années 1980 (son maximum), l'arsenal nucléaire français passera, selon le dernier discours présidentiel, à moins de 300 (après la réduction annoncée dans les Forces Aériennes Stratégiques), mais la dissuasion devrait rester dans le Livre Blanc publié très prochainement, un élément essentiel de l'effort de défense national.

Mais à quoi sert cette force de frappe, qui est (officiellement) l'apanage de moins de dix pays dans le monde ?

Petit retour en arrière...
La dissuasion française a été bâtie dans les années 1960, dans le contexte de la Guerre Froide, pour faire face à la menace soviétique :

  • dans une optique politique : l'objectif n'est pas d'utiliser l'arme nucléaire comme une arme conventionnelle, mais d'empêcher la guerre
  • avec une posture "du faible au fort" : la force de frappe française devait, dans le "cahier des charges" originel, pouvoir en cas d'agression porter un coup très sévère à l'économie et la société de l'URSS, même si l'armée conventionnelle de celle-ci était beaucoup plus puissante
On ne fera que souligner ici que le nucléaire, militaire et civil, est un domaine (quoiqu'on en pense relativement à l'écologie / la lutte pour le désarmement) dans lequel la France, grâce à ses efforts scientifiques et industriels, entrepris depuis plus d'un demi-siècle, est l'un des leaders et tous premiers exportateurs mondiaux.

Concernant la menace, qu'en est-il aujourd'hui ? L'URSS n'est plus, et les menaces de type terroriste -hors éventuellement relevant du "terrorisme d'état"- ou plus généralement asymétriques (c'est-à-dire dont les porteurs ne suivent pas les mêmes conventions -armes, moyens, modes opératoires, distinction militaire/civil...- qu'un pays possédant une armée "classique" : groupes terroristes, guerillas, associations subversives...) ne se prêtent pas vraiment à la dissuasion nucléaire.

On parle beaucoup de l'Iran (pour mieux ignorer le Pakistan, dont les experts nous disent que la chaîne de contrôle de l'arme nucléaire est totalement sécurisée et hors de portée des islamistes ?) en ce moment comme d'une possible menace justifiant la possession de la bombe...d'un autre côté, les critiques crient à l'argent public gaspillé (plus de 3 milliards d'euros annuels, au détriment de la justice, de l'éducation, du logement...les postes ne manquent malheureusement pas) et/ou à l'hypocrisie de la France donneuse de leçons (à l'Iran notamment), qui dit vouloir empêcher la prolifération nucléaire tout en entretenant son propre arsenal.

La France utiliserait-elle l'arme nucléaire en cas d'attaque de l'Iran contre ses intérêts vitaux ? Ceux d'un autre pays européen ? Sans blanc-seing des Etats-Unis ? Et comment réagiraient la Russie ou la Chine ? Restons sérieux quelques instants, à moins que l'Iran ne s'engage dans une attaque tous azimuts de grande ampleur (d'Israël en premier lieu ? Dans ce cas ce pays aurait probablement recours à sa propre capacité nucléaire), aucune chance que les M51 intercontinentaux du Terrible soient tirés...

Bref, au-delà du prestige, de la volonté de faire partie des happy few ou du soutien à quelques champions nationaux, comment justifier au XXIème siècle la possession d'une arme nucléaire ?

C'est assez simple :
  • La dissuasion nucléaire est un club très fermé, au ticket d'entrée très élevé (en investissements, en recherche scientifique, en soutien de l'opinion publique...), qui nécessite donc des années d'efforts (voire des décennies pour une optimisation de la force de frappe dans son ensemble). Et dans le cas particulier des sous-marins, le nucléaire embarqué ou le fait d'être capable de tirer depuis les profondeurs de l'Océan sont des petites prouesses technologiques, que la Chine a pour le moment du mal à maîtriser.
  • On peut se demander si, à moyen terme, du fait dans un premier temps de possibles tensions sur les matières premières et de l'énergie, la situation ne va pas évoluer vers un retour à des conflits plus symétriques que ce que nous vivons actuellement (Al Qaïda, qui par ailleurs doit être combattue avec la plus grande vigueur -la question de la meilleure stratégie est encore ouverte à ce jour- aurait bien du mal à menacer les intérêts vitaux de la nation), avec des pays "stables" dotés de forces militaires importantes adoptant des attitudes agressives, menaçant la France.
  • Sans voulant jouer les prophètes apocalyptiques, la situation "du faible au fort", avec le rôle du faible joué par la France, peut réapparaitre dans un horizon plus ou moins lointain, et l'option de la dissuasion nucléaire (dans un cadre strictement politique) est dans ces cas-là toujours une carte intéressante à pouvoir abattre, ce qui sera impossible si une décision vient aujourd'hui démanteler la force de frappe française
  • En effet, un des critères d'efficacité sine qua non d'une dissuasion nucléaire est sa crédibilité : scientifique et technique (sur l'ensemble de la chaîne) mais aussi politique (les "menaces" éventuelles ne doivent pas pouvoir douter du recours à l'arme nucléaire en cas d'attaque contre les intérêts vitaux)

Une dernière remarque d'ordre théorique : on dit que la dissuasion nucléaire est "défensive" :
  • Elle n'a vocation en effet à être utilisée (si elle doit l'être effectivement, mais ce n'est pas sa fonction première) qu'en cas d'attaque extérieure
  • Elle s'applique en cas d'attaque sur l'ensemble du territoire national (le "sanctuaire" de la doctrine)
  • Elle est permanente (dans le temps)
Mais elle relève aussi d'éléments offensifs :
  • Elle est très ciblée sur un ou des points stratégiques de l'adversaire
  • Elle est concentrée dans le temps (un tir de missile, un largage de bombe...)

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jeudi 20 mars 2008

L'armée française au régime sec

Alors que tout le monde en France attend la publication du prochain Livre Blanc de la Défense, prévue pour les prochaines semaines (et qui doit remplacer celui de...1994, soit avant la guerre du Kosovo, le 11 septembre, l'Afghanistan, l'Irak, la vague d'attentats de 1995, et même l'essor de la Révolution des Affaires Militaires et du Network Centric Warfare...la Préhistoire pour faire simple, à l'époque ou l'illusion des dividendes de la paix post-Guerre Froide prévalait), le volet Défense de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) fait grand bruit.

Il prévoit, notamment, rien de moins que la suppression de près de 35000 postes de soldats entre 2008 et 2014, ainsi que le transfert dans la même période vers le privé de 16 800 emplois dans les fonctions de support, sans spécificité militaire : alimentation, habillement, infrastructures... Ceci s'accompagne d'une fermeture de 53 sites ainsi que de l'allègement de 109 (marquant la volonté de ne maintenir que des sites de taille critique).

Une mutualisation "inter-armes" (air-terre-mer) de ces fonctions de support est prévue, dans la droite ligne du projet de Pentagone à la française, dans le quartier de Balard à Paris, rassemblant l'ensemble des états-majors ainsi que les composantes civiles du ministère de la défense, et la DGA bien sûr.

Tout d'abord, ces conclusions suivent des recommandations établies en 2007 par le Conseil Economique de la Défense, visant à une plus grande efficacité des dépenses de défense, à savoir :

  • rationalisation des implantations sur le territoire national
  • synergies inter-armes sur les aspects non-spécifiques de support et maintien en conditions opérationnelles des matériels
  • externalisation de certaines fonctions non spécifiques au militaire (informatique...), pouvant entraîner des économies de l'ordre de 5% par an
Ceci amène quelques réflexions :
  • la défense, en tant que service public, se doit d'être efficiente, c'est-à-dire d'accomplir sa mission au coût minimum. A ce titre, il est naturel de supprimer les postes de coûts redondants entre les différentes armes, n'apportant aucune valeur ajoutée (autre que des points de chute pour les généraux qui sont à leur tête)
  • une partie des économies réalisées doivent permettre une réallocation de budget vers le nécessaire effort de R&D de défense et la modernisation des équipements et matériels (de trop nombreux véhicules sont inutilisables faute de pièces de rechange), ainsi que le maintien de l'attractivité des métiers de la défense, qui subissent de plein fouet la concurrence du privé
  • le niveau de recours à l'externalisation de la défense française (pour les fonctions non spécifiquement militaires) est très faible si on le compare à celui du Royaume-Uni (armée de budget, taille et niveau technologique comparable) : 800 millions d'euros contre plus de 9 milliards, soit plus d'un facteur 10 !!!
  • la diminution du nombre de soldats est plus problématique : déjà vampirisées par le plan Vigipirate, les forces françaises risquent de perdre en capacité de projection (déjà très limitée par rapport à celle des Etats-Unis notamment), ce qui pourrait handicaper les projets de création de telles forces ("battle groups" de 1500 hommes) au niveau européen
  • la volonté de rapprocher les 3 armes va dans le bon sens (en termes de fonction support et de commandement), celui de la guerre en réseau et de la coopération pour la recherche de l'effet optimum sur le terrain (si toutefois cela s'arrête avant d'atteindre le niveau "mystique" du Network Centric Warfare américain)

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mercredi 19 mars 2008

Quand les Sous-doués s'engagent dans la 7ème Compagnie

Parce que les militaires sont aussi là pour nous faire rigoler...et après certains veulent sucrer les budgets !

*Certaines images peuvent choquer*

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dimanche 16 mars 2008

L'essor des munitions intelligentes

L'intelligence se déplace de plus en plus du système d'arme vers la munition. Dernier exemple en date, les obus d'artillerie de Raytheon et BAE Systems Excalibur guidés par GPS déployés en Afghanistan fin février 2008 (expérimentés en Irak dès l'été 2007).

L'objectif de ces "munitions intelligentes" est bien entendu l'optimisation de la précision de tir (erreur circulaire 6 fois plus faible qu'un obus classique pour une portée de 50 km pour les Excalibur). Ceci permet entres autres de diminuer les dommages collatéraux, les tirs fratricides et la consommation de munitions, aspect très important de la logistique militaire, et donc impactant fortement la mobilité.

Le fait de rendre les munitions auto-guidées rend possible le "shoot and forget", c'est-à-dire le fait que l'arme et la plate-forme qui la supporte (et les personnes qui la pilote) puisse se concentrer sur une autre cible ou une manoeuvre dès le tir effectué, ce qui augmente sensiblement son efficience : on quitte le "une plate-forme contre une cible" pour le "une munition contre une cible". Ceci autorise également une plus grande versatilité des plates-formes, pouvant dès lors embarquer un plus grand nombre de munitions différentes (par exemple les avions de combat) pour des missions plus variées.

Ceci permettra pourquoi pas, d'envisager une baisse des coûts des plates-formes (ce qui il est vrai, n'est pas la tendance actuelle dans l'industrie de l'armement -cf le F35, les chars...) mais également d'ouvrir plus grande la porte aux drones, à l'intelligence nécessairement moins grande que les véhicules pilotés.

Enfin, il ne faut pas oublier que la précision a priori d'un tir ne diminue pas l'importance des moyens de reconnaissance permettant d'évaluer les dégâts de ce tir.

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mardi 11 mars 2008

Budgets militaires chinois et indien en forte hausse

C'est une habitude depuis plusieurs années, les budgets de défense de l'Inde et de la Chine sont en augmentation (et pour cette dernière, souvent à 2 chiffres) et accompagnent la forte croissante économique des deux pays asiatiques, et 2008 ne fera pas exception à la règle.

Leurs dépenses "officielles" seront donc respectivement de 17 et 34 milliards d'euros (France : 43 milliards en 2007) . Mais alors que la démocratie indienne assure une certaine transparence des chiffres officiels, la Chine est adepte des écrans de fumée sur ce sujet : peu d'informations filtrent sur l'utilisation de ces budgets en hausse (hormis les pensions et la "modernisation" des armées, et une utilisation des moyens militaires strictement limitée à la défense du territoire) et certains analystes avancent des montants dépassant les 100 milliards d'euros (à comparer aux 400 milliards des États-Unis) pour l'Empire du Milieu.

Il est évident que la montée en puissance du budget militaire indien s'explique, non seulement par les relations avec le Pakistan, mais également car le sous-continent garde un œil inquiet depuis déjà longtemps sur son voisin chinois, et que la compétition pour la place de première puissance asiatique a dépassé la stricte sphère économique. Avec une base d'industriels de haut niveau technologique qui se solidifie très vite, l'Inde souhaite, au moyen de partenariats avec des acteurs russes, américains ou européens (comme Thales), se doter rapidement de compétences dans le secteur militaire afin d'assurer l'équipement de ses forces.

A noter que le Japon, qui depuis l'an dernier dispose d'un véritable Ministère de la Défense (depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, le statut de sa défense était très particulier, et plus ou moins limité à une force d'autodéfense, malgré l'excellence de son industrie nucléaire civile notamment), s'est officiellement inquiété de cette nouvelle augmentation, de même que les États-Unis.

Même si on peut se montrer sceptique sur leurs chiffres, les Chinois mettent en avant le fait que rapportés au PIB ou aux dépenses publiques, (respectivement 1,4% et 7,2%) ils restent comparables à ceux des USA (4,6% et 16,6%) ou de la France (2% et 13%). Si leur croissance continue d'afficher le rythme insolent actuel, ce ne sera bientôt plus le cas...

Tout ceci a évidemment un effet d'entraînement sur l'ensemble de la région (Pakistan, Thaïlande, Indonésie, sans parler de la Russie), qui souhaite accélérer son niveau d'équipement et renouveler son matériel.

Quelqu'un a prononcé l'expression de "course aux armements" ?

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dimanche 2 mars 2008

Victoire d'EADS sur le marché américain des avions ravitailleurs : le début de la fin pour la prodution aéronautique sur le sol européen ?

EADS a remporté cette semaine un marché d'un montant de 35 milliards de dollars, en co-traitance avec Northrop, face à Boeing, concernant la fourniture de 179 avions ravitailleurs à l'US Air Force.

Au-delà du montant, il faut souligner l'importance de cette victoire au regard de la position stratégique des ravitailleurs dans la doctrine militaire américaine : celle-ci, basée depuis la Guerre du Golfe sur un recours très poussé au bombardement aérien tactique et stratégique, repose sur le long rayon d'action et la forte rotation en l'air de ses B-52 et B-2 (et autres bombardiers et aéronefs de supériorité aérienne).

Bien sûr, Boeing, qui partait largement favori, annonce officiellement ne pas abandonner, et n'exclut pas un recours devant le GAO, la Cour des Comptes américaine. Il faut se rappeler que l'attribution d'un marché similaire en 2003 (location d'avions ravitailleurs KC-767 pour remplacer les vieillissants KC-135) avait causé, suite à un scandale de conflits d'intérêts, la dernière grande crise connue par Boeing : démission du DG Phil Condit et du Directeur Financier Michael Sears.

Mais revenons en Europe. Pour certains, ce marché, dont une contrepartie est la réalisation sur le sol américain des avions basés sur la souche A330, est le premier pas vers la délocalisation des capacités de production européennes d'Airbus. Il est vrai que Louis Gallois, face à l'Euro fort, a annoncé une tendance (de même que le patron de Dassault) un mouvement vers des pays de production en zone dollar, afin de rester compétitif face à la concurrence, dans le cadre du plan Power 8.

Ceci amène quelques remarques :

  • On fait semblant de découvrir, depuis 2006, que le mode de production d'Airbus, avec ses usines disséminées en France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, n'est pas optimum, notamment au niveau logistique, après avoir vanté la spécialisation de chaque partenaire européen et les moyens collaboratifs permettant d'abolir les distances

  • La France est en retard (sans jugement de valeur) sur les autres pays européens et les Etats-Unis en ce qui concerne l'externalisation et le recours à l'offshore, pour la recherche de faibles coûts de production et la focalisation sur son coeur métier

  • Dans le monde industriel en général, et militaire en particulier, il est de plus en plus obligatoire de se transformer en fournisseur multi-domestique, c'est-à-dire de localiser (une partie de) ses moyens de production directement dans le pays de ses clients, afin d'assurer (en façade ?) une proximité client. Ceci est capital, notamment avec la Chine ou le Japon, marché très fermé, mais comporte des effets pervers (délocalisations, transferts de technologies...)

  • Non, EADS n'est pas tributaire et enchaîné aux commandes américaines ou OTAN : le CA d'EADS est à 75% dû à ses activités civiles (CA global de 52 milliards d'euros en 2006)

  • Non, le fait de maintenir une participation étatique au sein du capital n'est pas forcément la meilleure solution pour garder le contrôle sur l'entreprise. Le capital des plus grands "defense contractors" américains (Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon...), est flottant à plus de 99%, et pourtant, au travers de nombreux mécanismes peu libéraux, le gouvernement fédéral conserve la main-mise sur son marché de la défense (il contribue par ailleurs aux 3/4 du CA de Lockheed Martin)
Que signifie tout cela ? Il est évident que le mode de production d'Airbus est amené à évoluer de façon drastique au travers d'une rationalisation des implantations européennes. Par ailleurs, que l'on le veuille ou non, la part délocalisée de la production (et cela signifie, à terme, d'une partie de la R&D) va aller croissante. Cependant, une américanisation de la société (certains prédisent un rachat ou une fusion avec Northrop, partenaire sur le marché des ravitailleurs américains) n'est pas pour demain.

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